En français dans le texte : Loureb & K

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A force de travailler dans un endroit surpeuplé de jeunes et de fréquenter des transports en commun bondés de jeunes, il fallait bien que ça m’arrive : ami lecteur, je suis devenu vieux con. C’était inévitable. 

De toute façon, dans la vie, il n’y a que deux catégories de personnes : les vieux cons (qui font des catégories) et ceux qui ne vont pas tarder à le devenir. 
Quand les enfants commenceront à t’appeler Monsieur (ou Madame), quand tu calculeras l’âge qu’avaient les nouveaux bacheliers lorsque tu as passé ton bac et quand tu t’apercevras que ton Blackberry flambant neuf commandé avec tes points Orange est, en réalité, complètement has been, il sera déjà trop tard pour faire machine arrière. Rends-toi à l’évidence : tu seras cuit, fini, dépassé, ringard. Appelle ça comme tu veux, ça n’y changera rien. Ce ne sera que le début d’une lente et inexorable déchéance. La sélection naturelle finira par éliminer ceux qui, comme toi, écrivent des SMS en toutes lettres, ceux qui persistent à lire des livres en papier et ceux qui n’étalent pas toutes leurs frasques sur Facebook. Tu auras beau nager à contre-courant, claironner que c’était mieux avant, personne ne t’entendra ; ils ont tous des écouteurs dans les oreilles.
Mais si tu lèves un peu la tête de ton bouquin, tu les verras, tu les entendras rire aux éclats, pleurer, chanter, être beaux, inquiets, insouciants, en colère, impatients, impétueux. Pas sages et passagers de ces transports amoureux éphémères qui roulent à toute allure jusqu’au lendemain. Sont-il si différents, ceux qui sont nés en 90, ou un peu plus tard, de ceux qui avaient 20 ans en l’an 2001 ? 
Lou-Rebecca et Etienne, qui forment le duo Loureb & K, sont nés en 90 et portent un regard à la fois lucide et amusé sur leur génération. Ils ont échappé aux Raider, à la période faste de Bernard Minet, à la K7 de Michael Jackson qui se coince dans le walkman et aux images Panini de footballeurs moustachus, mais pas à  la Star Ac, aux familles recomposées et à la crise. Leurs textes dressent en filigrane le portrait des jeunes d’aujourd’hui, biberonnés à la télévision et déjà revenus d’une bonne partie des illusions de leurs aînés. “On n’est pas foule sentimentale”, “on n’a pas soif d’idéal”, chante Lou-Rebecca d’une voix mutine. Et s’ils aspirent toujours à s’émanciper de leurs parents ou de leurs professeurs pour goûter à la liberté, ils le font sans la naïveté qui caractérisait les générations antérieures. Ils rêvent secrètement du grand amour sans trop y croire, ils ont les pieds englués dans leur époque mais la tête dans les années 60. Bob Dylan et les Beatles sont leurs modèles indépassables ; les chanteurs de variétoche française des années 90, leurs repoussoirs. Sans doute parce que les années 60 représentent une décennie où tout semblait possible, où la jeunesse pouvait exprimer sa liberté créatrice en toute insouciance. Références musicales, idéalisation de la Nouvelle Vague, leur univers est traversé par la nostalgie de cet âge d’or qu’ils n’ont pas vécu. Sans réinventer la roue, ils en offrent une relecture étonnamment fraîche et entêtante. Ce qui, de prime abord, aurait pu passer pour d’habiles mais anecdotiques ritournelles, prend tout son sens dès lors qu’on écoute un peu plus attentivement les paroles. Car, de sa voix lolitesque, c’est la jeunesse d’aujourd’hui que chante Lou-Rebecca.

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