J’ai écouté, j’ai pas (trop) aimé : Arcade Fire – Reflektor

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Le hasard n’existe pas. C’est en tout cas ce que j’affirmais, le 27 octobre dernier. Le jour, précisément, où Lou Reed décida de casser sa pipe. Le lendemain, sortait Reflektor, le quatrième album d’Arcade Fire.

Quoi ? Le grand méchant Lou tirait sa révérence et, pendant, ce temps-là, son vieux poteau Bowie s’acoquinait avec une troupe de freluquets qui, disait-on, allaient casser la baraque. Décidément, on aura tout lu, tout vu, et tout bu sur ce nouvel album des Montréalais.
Rien ne nous aura été épargné. On tiendrait entre nos mains un authentique chef-d’œuvre. L’album de l’année, de la décennie, du siècle, de l’histoire de l’humanité. Mouais. Je l’ai écouté et la seule conclusion qui s’impose, c’est que Reflektor est un drame romantique.
Arrivés à un moment-charnière de leur discographie – celui où tous les possibles s’ouvraient à eux – les membres d’Arcade Fire ont dû longuement se gratter la tête avant de choisir la direction à suivre. Le pire, à ce stade, aurait été de ne rien changer, de rester dans leur zone de confort. Échec assuré. S’il y a une chose qu’on ne pourra pas leur reprocher, c’est d’avoir opté pour l’immobilisme. Reflektor est une remarquable prise de risque. Pour entraîner le son Arcade Fire vers les dance-floors, il fallait une sacrée paire de couilles et un producteur à la hauteur.
En s’acoquinant avec James Murphy, l’idée était certainement de faire avec Reflektor ce que Radiohead avait réussi avec Kid A : se réinventer.  En cela, Reflektor est une réussite. Mais, pour le reste, il faudra repasser. L’union du sextet montréalais et de l’ex-LCD Soundsystem a donné naissance à un enfant difforme, au corps vigoureux et au cerveau atrophié. Un album aux imperfections rédhibitoires, qui souffle le chaud et le froid et alterne en permanence le sublime et le grotesque.
Pourtant, le morceau-titre, dévoilé en amont, laissait augurer du meilleur. Tout y était. L’effet de surprise. La fusion parfaite des voix de Win Butler et de Régine Chassagne dans une production dansante et aventureuse. Et même David Bowie. Quelle claque ! Certainement le meilleur morceau de l’année. Avec We Exist, on se serait presque mis à crier au génie. Et puis…
Sans parler de la pochette – hideuse, mais on ne va pas juger sur le physique – sur la durée, l’album peine à trouver sa vitesse de croisière. La plupart des titres sont trop longs et empilent des idées qui n’apportent aucune réelle valeur ajoutée. La production prend une place démesurée, au détriment des mélodies, et la mégalomanie des Canadiens atteint son paroxysme sur ce disque. Écouter Arcade Fire et James Murphy s’amuser, c’est un peu comme sortir avec un couple d’amis qui passent la soirée à se bécoter. Eux s’éclatent pendant qu’on tient la chandelle.
Hormis le plaisir d’écrire une chanson sur notre président, Normal Person est un titre affligeant de banalité qui ne nécessitait sans doute pas de réunir dans une même pièce tant de brillants esprits. Joan of Arc présente la somme de tous les petits travers d’Arcade Fire. Tout ce qu’ils peuvent avoir de prétentieux et de boursouflé y est concentré en 5.24 minutes. Awful Sound et Porno sont carrément insignifiants . Même si le reste oscille entre le très bon et le quasi génial, ça fait beaucoup de déchet pour un album aussi attendu. Et puis surtout – et c’est là le gros point noir de Reflektor – l’omniprésence des synthés et boîtes à rythme occulte trop souvent l’authenticité et la force des parties vocales, qui font pourtant partie de l’ADN d’Arcade Fire. 
Certaines pistes méritaient assurément d’être explorées mais l’équation est encore loin d’être parfaite. D’aucuns s’en contenteront. Je ne suis pas de ceux-là.

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