Où il est question d’oiseaux de passage, de chiens errants, de joyeux désespoir et de perdants merveilleux…
Insatisfait, aigri, je traînais mes guêtres dans un bourbier sordide. Je m’étais fait marcher dessus par un plus con que moi, un imbécile qui croit que se faire respecter, c’est d’abord être craint. J’aurais pu dix fois, cent fois, lui cracher à la gueule ou lui casser les dents. Mais j’étais resté là, planté, interdit devant ce flot de haine.
Le joyeux désespoir de Leloup transparaît déjà sur le visuel de l’album. Une paire de bottes foulent la poussière, fuyant on ne sait quoi. Elle sont flanquées d’un clébard usé, amputé d’une de patte avant, le regard perdu dans le vague. A Paradis City, on est plus proche de la maison de repos pour chiens galeux et voyageurs égarés que d’un eden aux petits anges tout nus.
A Paradis City, il est souvent question de mourir ou d’échouer. De s’en sortir aussi parfois. Il est question de folie, d’addictions. De s’en sortir aussi parfois. Ou pas. Les textes sont graves, mais l’écriture fine et poétique et les compositions enlevées évitent à l’ensemble de sombrer dans la pesanteur. L’équilibre est précaire, la (re)chute toujours proche. Souvent, Jean Leloup se met à lui-même à nu, sans tricher. Ailleurs, du chien errant de Feuille au Vent au vieux Willie qui veut en finir avec la vie, il rend un vibrant hommage aux cabossés de la vie et à tous les perdants merveilleux. Désespérément lumineux.