J’ai entendu : La Guerre – Violent

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Sonnez les clairons, amis lecteurs, c’est la guerre. L’état-major de mon employeur est formel. Si on avance fleur au fusil, mots doux au bord des lèvres, alors on est fichus, défaits, morts et enterrés. L’ennemi est partout, prêt à conquérir la moindre miette de part de marché trop mollement défendue. Présentez armes. Une deux, une deux. Pas une tête qui dépasse. Au beau milieu de la piétaille, je m’efforce de penser à autre chose. Quelque chose de beau, d’émouvant. Un peu de poésie. Je suis petit soldat, chair à canon, sans grade de la guerre économique. Sans doute suis-je mal placé pour contredire ceux qui savent. Trop gentil, trop con, trop insignifiant. Le moral des troupes est en berne. Double ration de foie gras. Claques derrière la tête. Et que ça saute. Bientôt, tu verras, ils nous demanderont de crever pour leurs conneries. Et encore, ce ne serait pas assez. Mourez, mourez, braves gens, mais faites-le avec passion. Voilà ce qu’ils exigent de nous, ces esprits brillants. C’est la guerre. Alors, je pense à Boris Vian. Monsieur le PDG, je ne veux pas la faire.

Froide, chimique, civile, aérienne, économique, la guerre est partout. Partout où la laideur, la saleté, la noirceur et la haine l’emportent sur la beauté et la poésie. Elle est dans les rues, dans les open-spaces, à la télé, dans les journaux, dans les esprits et dans les corps. La guerre est partout mais La Guerre est ailleurs. C’est un îlot préservé, qui aurait grandi à l’écart du monde et de ses turpitudes. C’est un rêve que rien n’aurait jamais su briser. C’est une mer calme qu’aucun courant ne saurait troubler. Si Katlyn Conroy a choisi d’appeler son nouvel EP Violent, c’est sans doute par goût pour les oxymores car Violent atteint des sommets de quiétude. Ça tombe bien, c’est exactement ce dont j’avais besoin ce weekend. Pour autant, en le réduisant à un disque d’ambiance, on passerait à côté de l’essentiel. Le vrai luxe de cet EP, c’est l’espace. Chaque titre sonne comme une bouffée d’air pur, un remède contre la pollution sonore, visuelle ou atmosphérique. En cinq minutes maximum, La Guerre dessine des paysages qui s’étendent à perte de vue. Des mélodies folk pop oniriques, qui nous transposent dans un autre décor – en bord de mer, le vent dans les cheveux – et nous font oublier tout le reste. Pour s’affranchir de la réalité, il ne reste qu’à se laisser bercer par les claviers délicats et la voix calme et intemporelle de Katlyn Conroy. Soldat de pacotille, toi qui combats la fleur au fusil, tu seras vite désarmé. C’est La Guerre.

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