J’ai entendu : Low Leaf – Akashaalay

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Où il est question de dents qui rayent le parquet, de vilain petit canard, de couchers de soleil sur l’océan et d’énergie cosmique…

Il y a longtemps que je ne supporte plus les réunions de famille. Peut-être que c’est juste moi mais, je n’y peux rien, à chaque fois, c’est la même chose : j’ai l’impression qu’ils me regardent comme si j’étais un patient, allongé sur une table d’opération, comme si, après un rapide compte à rebours, ils allaient se mettre à farfouiller dans mes entrailles.

Il faut dire que je suis un cas à part, une anomalie. Le vilain petit canard de l’assemblée. Regardez mes cousins, avec leurs bagnoles rutilantes, leurs beaux costumes flambant neufs et leurs dents blanches qui rayent le parquet. Ils ont réussi, eux. Les zéros se bousculent sur leurs comptes en banque, les cernes s’accumulent autour des leurs yeux. Bientôt, leurs femmes, par ennui, les tromperont. Leurs enfants leur diront d’aller voir ailleurs. Tu n’as jamais été là et maintenant…

Pour l’instant, ils jubilent, dégoulinent d’autosatisfaction, prennent de haut ceux qui n’ont pas le bon goût de penser comme eux. Entendez-les pérorer, regardez leurs sourires entendus. S’ils aperçoivent dans la foule un individu qui ne leur ressemble pas, c’est le branle-bas de combat. La meute se met à aboyer, prête à déchiqueter l’intrus.

L’intrus, justement, c’est moi. Pour mon plus grand malheur, j’aime ce qui est beau, ce qui n’a pas de valeur marchande, ce qui ne rapporte rien d’autre que du réconfort ou du plaisir : le chant des oiseaux, le bruissement des feuilles, les couchers de soleil sur l’océan, les coquillages, les vagues qui se fracassent sur les rochers. 

Ils me demandent ce que je voudrais faire quand je serais grande. Je leur réponds que je veux guérir les gens par la musique. Ils ricanent, il fallait s’en douter. Je montre la lune et les imbéciles regardent le doigt. Pour se donner bonne contenance, ils prennent leurs grands airs et entreprennent de salir ce qu’ils ne comprennent pas. Non, je ne serai sûrement jamais riche ou célèbre. Mais, à chaque instant, j’aurai l”impression d’être en harmonie avec moi-même, de ne pas me détourner de mon chemin.
Si être artiste, c’est poursuivre à l’âge adulte ses rêves d’enfant, alors laissez moi être musicienne. Laissez moi devenir papillon. Laissez moi être moi et je serai riche de tout ce qui ne s’achète pas, je repeindrai le monde en mieux, je colorerai le gris du ciel. 
C’est ainsi que Low Leaf a pris son envol à l’écart des sentiers battus et de la gloire radiophonique. C’est bien simple, pour elle, c’était créer ou mourir. Faire de la musique pour se sentir en harmonie avec soi-même, les autres et le monde. La musique comme un pont entre les personnes, entre les cultures – la musicienne, d’origine philippine, vit à Los Angeles – et entre les époques – Sun Ra, Alice Coltrane et Flying Lotus sont dans un bateau.

Sur son nouvel album, Akashaalay, c’est une évidence : la musique de Low Leaf, c’est bien plus que du son. De la harpe, du piano, de la guitare, des beats, des frontières abolies entre l’organique et l’électronique, la musique comme véhicule spirituel, la démarche de Low Leaf interpelle et séduit dans sa capacité de se régénérer en permanence tout en préservant l’authenticité. Akashaalay s’affirme dès les premières écoutes comme l’un des albums les plus créatifs de ces derniers mois et Low Leaf comme une artiste singulière, indépendante et libre. Une cure d’amour et d’énergie cosmique assurément salutaire…

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