J’ai entendu : Matthew E. White – Big Inner

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En règle générale, je ne crois pas en Dieu. Cloué à la maison avec une bonne gastro, j’y crois même encore un peu moins. Franchement, vénéreriez-vous un leader charismatique qui a le pouvoir de vous infliger des symptômes aussi triviaux? Peut-être devrais-je considérer cette mauvaise passe comme une épreuve que m’impose le Tout-Puissant pour me rendre plus fort? Soyons sérieux un instant. Que tous les grands esprits philosophiques de la planète veuillent bien se taire et se concentrer deux minutes. Je vais sous vos yeux ébahis prouver l’inexistence de Dieu. Vous êtes prêts? Si Dieu existe, il est parfait. En outre, il est le créateur de toutes choses. Donc Dieu a créé la gastro. Faut quand même être sacrément con pour imaginer un truc pareil. Donc Dieu est sacrément con et, par conséquent, il est imparfait. Donc il n’existe pas. Et dire qu’en deux minutes, entre deux allers-retours aux chiottes, j’ai réussi à résoudre cette question épineuse sur laquelle, depuis des siècles un paquet de gugusses, parmi les plus brillants, s’arrachent les cheveux. Ne me remerciez pas, je vous fais cadeau de cette modeste contribution à l’histoire des idées. Moi, ce qui m’intéresse, de toute façon, c’est la musique. La philosophie, Dieu, les conneries, tout ça, c’est juste un hobbie. La musique, par contre, c’est du sérieux. Soit dit en passant, s’il y avait un Dieu et qu’il voulait à tout prix se mêler de nos affaires ici-bas, il ferait mieux de s’occuper de musique. Avec Matthew E. White, espèce de barbu broussailleux à mi-chemin entre une figure christique et mon prof de philo de terminale qui aurait pris une année sabbatique pour faire un Tour de l’Amérique Latine en stop, je crois même qu’on tient un prophète de compète…
Le premier album du chanteur hirsute est truffé de références à Dieu et à son fils, ce qui en temps normal, aurait plutôt tendance à m’agacer. Mais il y a quelque chose d’irrésistiblement aimable chez ce garçon. Ou, pour le dire plus clairement, il déborde d’amour. Un amour rayonnant pour son prochain qui englobe même, comme moi, les plus incrédules. Des amours parfois partagées, parfois à sens unique, qu’il confesse à qui veut l’entendre tout au long des chansons de Big Inner. Il en tire un bilan avec calme, sans amertume, comme s’il contemplait sa vie depuis un point distant situé en altitude. Même attitude en ce qui concerne la musique. Du haut de l’année 2012 comme au sommet d’une pyramide, White contemple un demi-siècle de culture musicale avec un amour encyclopédique. Premier album de l’écurie Spacebomb, Big Inner entre pleinement dans la philosophie annoncée par la maison de disques : combiner les fondations des modèles du passé (par exemple, un groupe maison comme la Stax ou la Motown) avec les évolutions techniques des 40 dernières années. Pari gagné avec ce disque qui sonne comme un hommage appuyé à l’histoire de la musique américaine mais qui n’en est pas moins résolument moderne. Avec Randy Newman comme héros, une expérience probante dans le jazz expérimental et des influences soul, rock, blues ou encore roots, Matthew E. White fait preuve d’un œcuménisme rare et offre une œuvre d’une richesse inouïe. Sa voix chaude et rassurante, magnifiée par des choeurs à la limite du divin, chante les chansons des lendemains meilleurs. Big Inner est une invitation à l’amour. Et un disque que j’aime déjà de tout mon coeur…
 

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