Où il est question d’une ville qu’on imagine, de larmes qui roulent, d’une île sans coordonnées GPS et d’un magnifique anonyme…
Imagine une ville. N’importe laquelle. A chaque carrefour, des voitures démarrent, freinent, klaxonnent, menacent. Sur le bord de la route, des piétons s’impatientent, parlent fort, gesticulent ; en dernier recours, ils se mettent à insulter tout ce qui passe. Les mamans tiennent leurs enfants par la manche. Ne bouge pas, nom de Dieu, tu vois bien que c’est rouge, espèce de p’tit con. Des claques se perdent ou se gagnent, tout dépend de quel côté de la main on se situe. Des larmes roulent le long des joues rondes et cramoisies.
Imagine une ville. Tu marches à ton rythme, guitare à la main. Les passants passent – c’est tout ce qu’ils savent faire – mais ils ne te voient pas. Tu es comme une île sans coordonnées GPS, perdue au beau milieu de l’océan. Mid-City Island, magnifique anonyme, entourée de vacarme. Tu es là, ils t’entendent mais ils ne t’écoutent pas. Jusqu’à ce que l’un d’entre eux, moins pressé que les autres, se dise que le temps, c’est de la musique.
Alors, tu prends vie, Moses Sumney, aux yeux et aux oreilles du monde entier. Tu es là, héros discret, aux ailes en plastique, à la voix de velours. Le bonheur attendait juste que la connexion se fasse, que tu entres en résonance avec d’autres âmes solitaires. C’est ça, la soul music, non ?