J’ai interviewé : Ed Tullett

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Ed Tullett, le petit prodige de la folk anglaise, a livré avec Never Joy un album troublant et touchant (cf Le groupe que les autres écouteront dans un an – Ep.48). Âgé d’à peine 18 ans, le jeune homme procure des émotions intenses avec ses compositions intimistes et pleines de sensibilité. Dans ses réponses, il laisse transparaître sa fragilité et son intégrité. Interview de ce jeune garçon attachant…
Quels sont tes premiers souvenirs en rapport avec la musique? 
Je me souviens avoir vu School of Rock. Je devais avoir 12 ans et je me suis dit “je veux jouer un concert comme ça”. Ça faisait un moment que je pensais à me procurer une guitare et, quand mon frère en a eu une nouvelle l’année suivante, j’ai hérité de sa première. Le premier truc que j’ai appris, c’était le riff de Come As You Are de Nirvana.
Quand as-tu commencé à écrire tes propres chansons?
J’ai commencé à écrire des chansons à l’âge de 14, 15 ans au moment où j’ai eu ma guitare acoustique (celle que j’utilise encore aujourd’hui, j’ai réussi à la faire durer aussi longtemps!). Mes anciennes chansons étaient tellement conventionnelles et nulles. J’espère avoir évolué depuis même si certains prétendraient sans doute le contraire! Mais tout ça vient avec l’expérience, les tentatives et les erreurs et, auparavant, j’écrivais des trucs qui ne voulaient rien dire pour moi. Maintenant, c’est différent.
J’ai lu que, en plus de tes chansons, tu écrivais aussi de la poésie. Donc, pour les chansons, comment travailles-tu en général? Est-ce que le texte vient en premier ou travailles-tu d’abord sur la musique?
Oui, c’est vrai que j’écris aussi de la poésie. On peut trouver tous mes nouveaux textes ici. Beaucoup figureront probablement sur mon prochain disque. Depuis que j’ai commencé à écrire Never Joy, j’emploie une technique où j’écris d’abord des poèmes et, ensuite, quand je travaille sur la musique et les mélodies, je m’efforce de les faire coller par-dessus. De cette façon, les mots viennent beaucoup plus naturellement, je ne suis pas inhibé par le fait d’essayer de caser des rimes ou des rythmes. Si j’ai vraiment besoin de changer un mot ou deux, je peux le faire quand j’écris la musique même si c’est quelque chose auquel je suis un peu réticent. Les paroles doivent être honnêtes, et la meilleure façon d’y parvenir, du moins en ce qui me concerne, c’est d’écrire sur quelque chose sans être confiné par des murs musicaux (bien que ce soient probablement les murs les plus merveilleux au monde, ce sont quand même des murs).
Où puises-tu l’inspiration pour les paroles?
En termes d’inspiration, je n’ai que 18 ans, donc je n’ai pas encore une grande expérience du monde et, malheureusement, il ne m’est pas arrivé grand chose jusqu’ici. Mais je tire l’inspiration de mes amis, ma famille, les choses ou les gens que j’aime ou quoi que ce soit qui me procure des émotions. Les sentiments que tu ressens, c’est ce qui devrait t’inspirer, n’est-ce pas?
Je crois savoir que Bon Iver est l’une de tes plus grandes influences. Par quels autres artistes es-tu inspiré? 
Oui, effectivement, Justin Vernon est une énorme influence. Je me souviens de la première fois où j’ai entendu Re: Stacks et quand j’ai vu cette version méconnue de Skinny Love chez Jools Holland, ça a été un déclic. J’ai su que c’était le genre de musique que je voulais écrire: gorgée d’émotion, venant d’un endroit tellement authentique, un endroit parfaitement ouvert et honnête. Les autres artistes qui ont beaucoup d’influence sur moi sont Radiohead (leur influence n’est peut-être pas évidente au niveau du style mais c’est mon groupe favori), Sufjan Stevens, Arcade Fire, Fleet Foxes, Iron & Wine, Keaton Henson, S. Carey, Grizzly Bear et tant d’autres que je n’ai pas mentionnés. Je pourrais en remplir des pages et des pages.
A l’écoute de Never Joy, il semble qu’à mesure que l’albump avance, tu gagnes en confiance. Y a-t-il une sorte de chronologie dans le disque?
Je ne pense pas que c’était censé être perçu de cette façon mais j’ai essayé de choisir une liste de morceaux qui soit cohérente et qui s’enchaîne bien. Si tu parle de confiances, si effectivement j’ai grandi, comme tu le dis, avec chaque chanson, alors, dans ce cas, Skeleton, le morceau de fin est vraiment une prise de conscience de la façon dont cette confiance ou ce manque de confiance se manifeste. “In front of everyone I am a skeleton, alone grow flesh and blood and confidence” (Devant tout le monde, je suis un squelette; seul, grandit la chair et le sang et la confiance) est la phrase qui clôt l’album. Cette phrase veut vraiment dire beaucoup pour moi. Elle montre que je ne suis jamais vraiment parfaitement à l’aise en compagnie des autres. Je préfère être seul ou, peut-être avec une ou deux personnes proches. C’est dans ces moments-là qu’on peut réellement être soi-même. La plupart du temps, nous essayons tous d’impressionner les gens, d’avoir l’air bien ou de dire un truc marrant. Parfois nous ne devrions pas nous forcer à être drôle, à avoir l’air cool ou impressionnant, tu vois? mais simplement être comme nous sommes.
Never Joy est un titre plutôt pessimiste pour un jeune homme de 18 ans. Te considères-tu comme quelqu’un de pessimiste?
Haha, je pense qu’on peut dire ça! Peut-être bien. Je suis assez cynique. Je n’aime pas vraiment m’emballer. Je suppose que c’est ce que signifie le titre de l’album. Il m’est arrivé d’être heureux quelquefois mais ce n’est jamais de la joie, ce n’est jamais quelque chose d’incontrôlable, une quantité de bonheur incompréhensible. Peut-être que c’est ma définition de la joie qui est bancale ou peut-être que je cherche quelque chose que je n’aurai jamais (tu vois, je suis de nouveau cynique), mais je pense que c’est ce que ça veut dire. Je ne crois pas que je serai jamais, en tout cas pas régulièrement, joyeux.

L’album semble plutôt bien marcher. Quelles sont les prochaines étapes pour toi?
Je suis vraiment content de la réaction qu’a suscité l’album. Je ne m’attendais pas à recevoir tellement d’attention. Écrire, c’est quelque chose que je ferai toujours et je ne travaillerai jamais avec des auteurs professionnels ou des trucs terribles du genre, parce que je ne voudrais jamais compromettre l’intégrité de ma musique. Même si je n’ai que 18 ans, je me rends compte que si c’est ton art, c’est ton art et pas celui de quelqu’un d’autre. Si ça signifie écrire de la musique que personne n’écoute, alors qu’il en soit ainsi. Pour ce qui est des prochaines étapes, je prévois d’écrire et d’enregistrer un nouveau disque pendant l’été et, ensuite, j’espère aller à l’université de Londres en septembre, alors je chercherai à monter un groupe et je commencerai à jouer beaucoup de concerts! J’ai hâte, ça va être fantastique de pouvoir jouer ma musique comme elle est censée être entendue par les gens, pas simplement moi et ma guitare acoustique, car la plupart du temps c’est juste triste.

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