Jawhar, ou quand la musique construit des ponts

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Jawhar, entre Belgique et Tunisie, folk et musique chaâbi, sensualité et spiritualité…

C’est par où, la liberté ?

Je marche encore et encore. C’est par où, la liberté ? J’ai tellement marché que mes semelles sont usées et j’ai des ampoules aux pieds. Je marche et je ne vois plus très clair. J’entends enfler la rumeur d’une ville. On parle d’explosions, de larmes, de cris, de sang. On parle de gens affolés qui courent dans tous les sens comme une fourmilière dans laquelle on aurait mis le pied par erreur.

Mon cerveau refuse de traiter ces informations. Erreur système. On ne s’habitue pas à ça, ce n’est pas vrai. C’est déjà arrivé, dans une autre capitale. Il fallait s’y attendre, affirmeront certains. Et alors, qu’aurions-nous fait ? Je refuse d’être en guerre, je ne sais pas ce que ça veut dire. Le mot m’est étranger et j’aimerais qu’il le reste. Moi, je veux marcher, mon talon d’Achille en étendard.

Construire des ponts

Je ne veux pas d’ennemi. Je ne sais pas détester. Je veux juste être libre, cueillir des fleurs pour celle que j’aime et répéter à mes enfants que la vie est belle, et même si c’est pas vrai, les serrer dans mes bras et leur dire que tout ira bien. Je ferai comme si je n’avais pas peur. A la moindre occasion, je construirai des ponts pour qu’on ne garde que ce qui est beau.

Entre folk et musique nord-africaine

Moi qui ne crois en rien, je continue de croire en un monde meilleur. Et, quand tout fout le camp, c’est la musique qui me sauve. Bruxelles saigne et je découvre les chansons de Jawhar. Jawhar Basti vient de Radès, en Tunisie, vit à Bruxelles, et crée une musique au carrefour du chaâbi nord-africain et de la folk contemplative d’un Nick Drake. Il chante en anglais ou en français, parfois. En arabe, le plus souvent. Mais, même si je ne comprends pas les mots, je ressens l’émotion.

Je retrouve, en écoutant Jawhar, une émotion semblable à celle que je ressens à l’écoute de Dhafer Youssef : une dimension spirituelle qui m’enveloppe, moi, l’athée, et que je ne retrouve nulle part ailleurs que dans la musique. Il y aussi, comme chez Nick Drake, influence revendiquée de Jawhar, une tentation de prendre de la distance, de ne pas se laisser gagner par l’état d’urgence pour continuer à penser en paix. Enfin, Qibla Wa Qobla, “le baiser et l’orientation de la prière”, outre le pont entre Orient et Occident, évoque une autre passerelle, tout aussi nécessaire à mon sens, entre spiritualité et sensualité. L’idée, séduisante, que rien ne s’exclut, que tout peut se compléter, si on le veut vraiment… Pourvu qu’on soit quelques millions à entendre Jawhar !

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