Le groupe que les autres écouteront dans un an – Ep.130 : Bastardgeist

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Je prends ma fille dans mes bras. Comme tous les pères, je me dis qu’elle est la plus belle au monde. Sauf que, dans mon cas, c’est vrai. Elle me dévisage comme si j’étais Dieu et demi.

Mais je sais que, quand je la poserai dans son berceau, elle aura, l’espace de quelques secondes, un imperceptible mouvement de panique. Les enfants ont peur du vide. Dès qu’ils ne se sentent plus bordés, ou entourés de bras aimants, c’est comme si leur petit monde menaçait de s’écrouler.

De ce point de vue, nous sommes tous des enfants. L’idée d’infini nous dépasse largement. Elle nous renvoie à notre petitesse congénitale. Il faut avoir un esprit tordu, ou supérieur, pour imaginer l’infini. Il faut être fou ou génial pour imaginer des vies infinies. Il faut être fou ou génial pour choisir Bastardgeist comme nom d’artiste et Infinite Lives comme titre d’album. Ou les deux.

Demandez à Joël Midden d’où sort le nom de son projet musical et vous ne serez pas déçu du voyage. Il vous parlera d’une maison hantée à Bowling Green, Ohio et d’un blog dans lequel il est question d’un esprit qui se nomme Bastardgeist. 

A l’écoute de Infinite Lives, l’esprit de Midden semble tout aussi tortueux, oscillant entre optimisme forcené et inquiétude métaphysique. Midden construit, avec la plus grande méticulosité, des mondes qui, à tout moment, semblent sur le point de s’effondrer. Comme si l’idée d’infini était porteuse d’espoirs démesurés en même temps que de menaces inquiétantes. Délicates et denses, les compositions de Bastardgeist sont des bunkers de sables mouvants, des châteaux de cartes en béton. C’est dans le chaos qu’elles révèlent toute leur beauté.
Qu’elles prennent la forme de petits paysages d’électro orchestrale surplombés par un falsetto aussi fragile que sensuel ou qu’elles se présentent en collisions de sons et voix samplés, à la limite de l’explosion, les neuf pistes de Infinite Lives recèlent toujours assez d’intrigante bizarrerie, assez d’étrangeté contemporaine et assez de contrastes pour dérouter et captiver l’auditeur tout au long du voyage. C’est typiquement le genre de disques que je m’attends à ne pas aimer et qui, paradoxalement, me scotche sur mon siège à chaque nouvelle écoute. Et ça tombe plutôt bien parce qu’une seule vie risque fort de ne pas suffire pour en découvrir toutes les richesses.

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