Le groupe que les autres écouteront dans un an – Ep.3 : Keaton Henson

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Keaton Henson, un chanteur à découvrir

Où l’on rencontre le timide folkeux britannique Keaton Henson, l’un des secrets les mieux gardés du royaume de Sa Majesté…

Nous avons tous nos contradictions. Je n’échappe pas à la règle. Après avoir allumé dans ma précédente chronique, les agaçants Fleet Foxes, voilà que je m’apprête à encenser un autre représentant du folk à barbe, Keaton Henson. Rassurez vous, je n’ai pas viré ma cuti pendant une longue nuit de sommeil, d’ailleurs amplement méritée. Je ne suis toujours pas pleinement convaincu de la sincérité de l’attitude des poilus de Seattle, et encore moins de l’originalité de leur musique. Je veux bien admettre avec vous que le folk en tant que tel n’offre guère de solutions pour se démarquer musicalement. Par contre, il me paraît évident que c’est un style musical qui doit se jouer avec conviction, qui doit allier beauté et mélancolie dans un même élan, qui doit sortir des tripes pour aller chercher l’auditeur dans ses retranchements. Les albums des Fleet Foxes pèchent par une omniprésence de la production qui nuit à l’authenticité de leur démarche musicale, laquelle est compensée par une attitude caricaturale de folkeux dépenaillés. Keaton Henson, quant à lui, est dans la sincérité et le don de soi absolus. C’est ce qui transpire de chacune de ses chansons et c’est ce qui fait la différence.

Depuis l’âge de 12 ans, Keaton Henson écrit de la musique seul dans son coin, sans même que ses amis ou sa famille ne soient au courant. Il a amassé un nombre incalculables de pépites introspectives, marquées du sceau de la solitude. Paralysé par des crises d’angoisse lorsqu’il se retrouve en public, Henson a résolu cette difficulté à aller vers l’autre en magnifiant l’incommunicabilité par sa musique. Ses chansons parlent d’anxiété ou d’amour perdu. Si les paroles de Keaton Henson peuvent mettre mal à l’aise tant il se livre avec franchise, ses mélodies simples et accrocheuses apportent aussitôt un sentiment de plénitude.

Des compositions sans fioritures accompagnées par une voix à la pureté angélique, Henson est, à mon sens, une sorte de Nick Drake des temps modernes. Un artiste intemporel qui ne recherche pas la reconnaissance ou la sophistication. La musique est avant tout pour lui une sorte de thérapie contre un mal-être chronique. Depuis plusieurs mois, quelques chansons et vidéo-clips circulent sur Internet et Keaton Henson touche un public de plus en plus large. Il n’en renie pas pour autant le côté artisanal de sa démarche. En effet, son album Dear…, entièrement enregistré chez lui, est paru en édition limitée, Henson ayant lui-même réalisé le packaging des 120 premiers exemplaires. Une façon de montrer que l’artiste se situe à la marge de l’industrie musicale et de conserver une relation intime avec l’auditeur. Le titre même de l’album est directement adressé à l’auditeur, comme si Henson, par ses chansons, voulait toucher chacun de nous individuellement.

N’allez pas le crier sur tous les toits, Keaton Henson est sans doute l’un des secrets les mieux gardés du Royaume-Uni. Un artiste unique, au talent considérable et à la fragilité magnifique. Nul doute que dans quinze ou vingt ans, ses albums résonneront toujours dans notre esprit avec la même force, la même évidence. Évidemment, il ne faut pas compter sur les critiques musicaux français pour découvrir de tels artistes, trop décalés pour créer le buzz. Tout juste peut-on espérer que Dear…fera partie, en 2050 des compilations de trésors cachés de l’hebdo insensible à la corruption. Pourtant, je vous l’assure, sans sourciller, cet album, avec ses mélodies simples et grandioses et sa sensibilité exacerbée, frise la perfection.

 

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