Pendant une longue période d’insouciante oisiveté, j’ai vécu en colocation. J’en ai gardé des souvenirs qui resteront à jamais gravés dans ma mémoire. Les sessions musicales jusqu’au bout de la nuit. Ma colocataire passablement alcoolisée qui rentre de soirée et commence à se déshabiller dans le salon de l’appartement. Les soirées arrosées où on refait le monde. Les grosses fiestas avec les amis et les amis des amis. Les chambres fermées pour cause d’activité sexuelle. Les confidences sur le canapé, les larmes, les fous rires. Les années folles, la vraie amitié. C’est sans doute ce qu’ont dû vivre les cinq membres de Coast Jumper au cours de leurs quatre années de vie commune. 

De ces quatre ans passés sous le même toit, Coast Jumper a tiré un album excellent intitulé Grand Opening, sorte de kaléidoscope de cette cohabitation. Les morceaux, aux ambiances et aux humeurs variées, sonnent comme la bande-son d’un groupe d’adolescents d’aujourd’hui, entre amours perdues et nouveaux amours, entre insouciance et désillusion. Musicalement, Grand Opening apparaît comme un collage d’influences multiples. Imaginez un croisement de The Walkmen et de Vampire Weekend. Et puis parfois, d’un coup, le tempo s’accélère et les guitares deviennent plus agressives. Au fil du temps, les chansons ont évolué pour donner une sorte de représentation de la façon dont les membres du groupe ont grandi ensemble. C’est sans doute la raison pour laquelle, sur sa page Bandcamp, Coast Jumper invite l’auditeur à écouter au moins une fois l’album entier dans l’ordre original. Ils peuvent être rassurés. Car l’écouter une fois, c’est l’adopter. Grand Opening est une synthèse réussie de ce que l’indie rock a offert de mieux ces dernières années. Je ne me fais aucun souci pour Coast Jumper. Ils ont une fraicheur et un talent irrésistibles qui devraient bientôt leur valoir les honneurs des maisons de disque. Un groupe dont on entendra, à coup sûr, reparler.