Les trésors cachés – Ep.20 : Sacha Mullin – Whelm

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Où il est question de charognards, d’Edvard Munch, de claustrophobie et de résurrection…

T’est-il déjà arrivé, ami lecteur, de te retrouver assis dans une pièce et de sentir tous les regards de l’assistance pointés sur toi ? Je ne te parle pas de regards bienveillants, d’étudiants avides de savoir ou de patients en attente de diagnostic. Je te parle de charognards prêts à fondre sur une dépouille encore fraîche.

T’est-il déjà arrivé de te sentir acculé, à deux doigts de défaillir, d’être pris d’un sentiment de panique et de n’avoir que deux solutions : te taire ou hurler à pleins poumons ? Imagine que ce cri si longtemps réprimé ressemble au cri d’Edvard Munch, en version enfin sonorisée. Imagine que ta propre voix te surprenne, qu’elle se révèle capable de modulations insoupçonnées. Et tu auras une petite idée de ce à quoi ressemble Whelm, le premier album de Sacha Mullin.
Le disque a écrit à une période où Sacha Mullin s’efforçait de remonter la pente après de longs mois de galères personnelles. Album cathartique par excellence, Whelm est donc traversé par une volonté manifeste d’aller mieux mais aussi par un sentiment constant de vulnérabilité. A certains moments, assailli par un tourbillon de voix venant de toutes parts, comme autant de regards accusateurs, on éprouve un sentiment proche de la claustrophobie. L’effet est encore amplifié par les instrumentations sourdement menaçantes du trio metal-prog Guzzlemug, un choix audacieux mais assurément payant tant le contraste entre la voix de crooner habité de Mullin et les aspirations expérimentalistes de ses compères se révèle passionnant.

Whelm a quelque chose de radicalement unique. Sombre, hypnotique et loin des standards du moment, le disque fait preuve d’une personnalité propre. Bien sûr, les compositions et les arrangements créent des ambiances inédites mais la grande révélation, c’est aussi la voix peu commune de Sacha Mullin, mélange de Freddy Mercury neurasthénique et de Morrissey en plein jetlag. Une voix à la fois fragile et glorieuse qui n’aspire qu’à prendre de la hauteur pour échapper aux pesanteurs terrestres. Alors que je ne suis guère porté sur la chose religieuse, je trouve qu’il y a quelque chose de biblique dans la musique de Sacha Mullin, quelque chose de l’ordre de la résurrection. Et, je sens confusément que c’est ce qui m’attire comme un aimant. Whelm est un disque qui nous happe, qui réclame toute notre attention. C’est aussi un disque auquel on sent qu’on pourra se rattacher en période de crise. Peu d’albums ont ce pouvoir. Whelm est une perle rare.

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