Mes vinyles qui craquent – Ep.5: Bert Jansch – Bert Jansch

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J’ai déjà utilisé une fois ou l’autre dans mes chroniques la métaphore des chambres à enfilade pour expliquer ma conception de la musique. Je la refais, en bref, pour celles et ceux qui auraient manqué les épisodes précédents ou alors qui étaient trop saouls pour s’en souvenir. Considérons que l’univers musical est un vaste manoir aux multiples ramifications. Vous pénétrez par l’entrée principale, parce que vous êtes curieux, parce qu’il pleut ou parce que vous n’avez rien de mieux à faire. Vous vous trouvez alors dans une première pièce. Vous observez, vous écoutez et vous vous apercevez une petite porte ouvrant sur une autre pièce et ainsi de suite. Pour corser le tout, et là, je vous conseille vraiment d’être attentif, on peut très bien imaginer qu’il y ait plusieurs entrées, voire même plusieurs manoirs. Mais, à voir vos mines déconfites, j’ai l’impression que je suis en train de vous perdre. Qu’à cela ne tienne, illustrons notre propos avec un exemple. Il y a quelques semaines, je traînais sur le Net et, sur Bandcamp, je tombe sur un guitariste israélien qui s’appelle Yair Yona. Comme j’aime assez ce qu’il fait, je me documente un peu sur lui et je constate qu’il cite constamment le nom de Bert Jansch en référence. Ni une ni deux, je tapote ce nom sur mon clavier et c’est ainsi que s’ouvre à moi un nouvel espace musical à défricher, celui des guitaristes folk du début des années 60. Plutôt méconnu du grand public, Bert Jansch est adulé par ses pairs. Bob Dylan le considèrait comme un génie. Neil Young a dit de lui qu’il était à la guitare acoustique l’équivalent de Jimi Hendrix à la guitare électrique. Il a inspiré des générations de musiciens parmi lesquels Nick Drake, Jimmy Page ou, plus récemment, Pete Doherty. Bref, le mec était une sacrée pointure et moi, baignant dans l’ignorance la plus crasse, je ne savais rien de lui. Il est plus que temps de rattraper le temps perdu.

Me voilà face à une véritable montagne. En plus de quarante ans de carrière, Jansch laisse derrière lui une oeuvre riche et prolifique aussi bien en solo qu’avec le super-groupe folk Pentangle. J’ai choisi aujourd’hui de m’attarder plus longuement sur son premier album éponyme sorti en 1965. Originaire d’Edimbourg, Jansch rencontre dans un club local la soeur du guitariste Davy Graham qui l’initie aussi bien au blues de Browny Mc Gee ou de Big Bill Broonzy qu’au folk de Peter Seeger ou de Woody Guthrie. Il commence alors à jouer dans les bars où, au contact d’autres musiciens, Anne Briggs notamment, il améliore sa technique. En 1963, il décide de partir sur les traces de son mentor Davy Graham et voyage en auto-stop à travers la France et jusqu’au Maroc, gagnant sa vie en jouant dans la rue ou dans les cafés. A son retour, il s’installe à Londres et enregistre son premier album dans la cuisine d’un ami, avec une guitare empruntée. La bande est vendue à Transatlantic Records pour la somme dérisoire de £100. Mais, au-delà de l’anecdote, se cache ce qui est sans doute l’un des disques les plus influents de l’histoire de la musique, régulièrement cité comme un classique par les plus grands guitaristes. Jansch y dévoile les bases de son fameux jeu de guitare en fingerpicking et réussit une synthèse unique de ses inspirations blues, folk et jazz. Outre son habileté technique, le disque est chargé de sensibilité et d’émotion. Mêlant chansons pleines de passion et pièces instrumentales contemplatives, l’album est empreint à la fois d’intimité, de sincérité et d’authenticité. Une ligne directrice dont Jansch ne s’écartera jamais vraiment, préférant poursuivre sa carrière dans un relatif anonymat plutôt que de courir après les lauriers. Une carrière à découvrir ou à redécouvrir tant elle regorge de richesses.

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