Le groupe que les autres écouteront dans un an – Ep.154 : Ravi Shavi

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Où il est question de lèvres rouge sang, de l’inconnue du concert, d’un cri qui se propage et d’un monde meilleur…

Paris, 14 novembre 2015. Tu te lèves et tu regardes par la fenêtre. Dehors, tout a l’air affreusement normal. La fille dans ton lit s’étire au ralenti. Doucement, elle revient à la vie et, toi, tu reviens à elle. Fiévreusement, tu embrasses ses lèvres rouge sang et tu caresses sa peau laiteuse.

La nuit a été si courte que tu ne lui as même pas demandé son prénom. Élodie ? Hélène ? Élise ? Qu’est-ce que ça peut bien faire ? Vous êtes vivants, c’est tout ce qui compte. Pour oublier de te souvenir, tu attaches ta langue à la sienne et tu te noies entre ses cuisses. Toujours muette, l’inconnue du concert gémit sous tes assauts. A quoi bon parler quand les mots ne disent rien ? Hier, la musique a été touchée par des trous de balles et, ce matin, tout sonne faux.

Paris, 24 novembre 2015. Tu sais que la vie ne vaut d’être vécue sans musique. Alors tu repars au combat. La batterie est un cœur qui bat. La basse donne le tempo. Les guitares font vibrer l’air d’un jour nouveau. Le chant est un cri qui se propage. Dans la salle, les corps s’agitent et les bouches s’ouvrent en cadence. A Paris, à Islamabad, Rhode Island, partout où il y a de la musique, le monde est un peu meilleur. Jouez, musiciens, qu’on se souvienne des jours heureux. Jouez, qu’on oublie les heures sombres. Jouez, nous sommes quelques milliards de cœurs insoumis, qui battons au son de vos instruments.

Tu regardes autour de toi. Tu es l’inconnu du concert. Tu es ce garçon aux cheveux fous qui tourne comme un derviche, tu es cette fille amoureuse qui embrasse à perdre haleine, tu es cette femme qui porte un foulard et s’allume une cigarette, comme sur la pochette de Ravi Shavi.

Ravi Shavi, c’est un groupe de rock de Rhode Island emmené par un chanteur né à Islamabad. C’est en tout cas ce qu’en disent toutes les bios, comme si c’était quelque chose d’absolument extraordinaire. Quoi de plus ordinaire que des musiciens qui se réunissent pour jouer de la musique. La musique, c’est la vie, après tout. Et celle de Ravi Shavi peut-être un peu plus que les autres. Ce ne sont sans doute pas les meilleurs musiciens, sans doute pas les compositions les plus inspirées, Rafay Rashid n’est sûrement pas le meilleur chanteur qu’on ait jamais entendu. Et pourtant je pourrais l’écouter en boucle toute la nuit. Il y a dans ce premier album éponyme une énergie incommensurable, une urgence incontrôlable à exulter, un je-m’en-foutisme hautement réjouissant. J’entends souvent que le rock ne se renouvelle plus. C’est peut-être vrai. Mais tant que des gamins continueront à jouer des accords, même éculés, avec autant de fougue, je refuserai de croire à sa mort.

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