Le groupe que les autres écouteront dans un an – Ep.89 : Pale Seas

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Quand j’étais petit, je n’étais pas un jedi. J’étais un enfant unique et solitaire. Pendant que mes camarades se retrouvaient au centre aéré, je passais le mois de juillet à regarder le Tour de France à la télévision. J’étais capable de reconnaître les cyclistes avant les commentateurs, rien qu’avec la vue d’hélicoptère. Fignon, Roche, Delgado, Lemond étaient mes héros. Une fois l’étape du jour terminée, je me précipitais dans le jardin et au guidon de mon petit vélo, j’imitais leurs exploits. Je roulais tant et si bien que j’avais fini par creuser un sillon dans la pelouse, où l’herbe ne repoussait jamais. Je n’étais pas un jedi, j’étais un mini Attila vélocipédique. La cérémonie de clôture – Champs-Elysées, maillot jaune, ours en peluche, bises et bras en l’air – était chaque année une rupture, un petit déchirement. Heureusement, le mois d’août arrivait vite et, avec lui, les congés estivaux de mon père. On ne partait pas, on restait. Mais, tous les jours ou presque, on prenait la voiture pour aller se balader. Et quand on habite dans le Pas-de-Calais, les plages de la mer du Nord ne sont jamais loin. Bray-Dunes et ses étendues d’eau grisâtre à perte de vue. Grise comme une mer de nuages menaçants. Et de l’autre côté du miroir, des plages anglaises, reflets presque fidèles des nôtres, où d’autres enfants contemplent l’immensité en rêvant de départ. C’est là-bas, à Southampton, qu’ont grandi les quatre membres du groupe Pale Seas, un nom qui ne doit rien au hasard. Quant à savoir pourquoi ils s’étaient initialement baptisés The Netherlands, c’est une autre histoire.

Pas plus tard qu’hier, je parlais justement,  avec un ami musicien, de l’influence de l’endroit d’où l’on vient sur la musique que l’on produit. Peu de chance que l’on écrive la même musique au bord de l’Océan Pacifique que sur une plage du sud de l’Angleterre. Élaborées dans la grisaille, les compositions de Pale Seas portent en elles la beauté des immensités mélancoliques et le goût salé des départs avortés. Comme si la mer fonctionnait à la fois comme éventualité d’évasion et comme obstacle à la fuite. Il s’en dégage une tristesse qui, loin d’être pesante, est au contraire empreinte d’une légèreté, d’un sentiment persistant de flottaison. Les influences de Love, Nick Drake ou Grandaddy viennent se compléter et, bien sûr l’ombre d’Elliott Smith plane souvent au-dessus de ces mélodies mélancoliques, subtiles et gracieuses. Jacob Scott, tête pensante du groupe, reconnaît d’ailleurs s’être rendu compte, à l’écoute du regretté songwriter américain, qu’une chanson triste pouvait être infiniment plus belle qu’une chanson joyeuse. Un constat que Pale Seas applique à la perfection. Très vite, vous vous demanderez si vous avez jamais entendu quelque chose d’aussi beau. Vaporeux, planants, majestueux, les titres du quatuor sont autant de défis aux lois de la gravité. Autant de petites merveilles qui vous deviendront très vite aussi indispensables que l’air que vous respirez.

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