Pirouette de Model/Actriz, un disque qui vous retourne la tête

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Avec Pirouette, Model/Actriz livre un album incandescent, entre extase et implosion. Une transe noise et queer, brutale et sensuelle, qui donne envie de danser pour oublier qu’on tombe. Un disque fiévreux, comme une nuit trop courte dont on ne se remet jamais tout à fait.

On noiera nos darons intérieurs

J’ai conclu un deal avec le diable. En échange de quelques années de ma vie, parfois il m’autorise à avoir vingt ans à nouveau, le temps d’une nuit.

Le lendemain, au réveil, je me reprends mon âge dans la face. J’ai des poches sous les yeux et les cheveux qui poussent vers l’intérieur. Mais, la nuit, j’ai l’avenir pour moi et zéro souvenir du futur.

Est-ce que l’avenir d’aujourd’hui est pire que l’avenir d’hier ? Je reprends un shot pour m’empêcher de penser. Ce soir encore, on va se faire danser jusqu’au bout de la nuit. On noiera nos darons intérieurs dans la sueur et l’alcool. Foutu pour foutu, je tue le temps pour ne pas devenir vieux.

Sur la piste, je vois des rails, je déraille. J’ai les yeux qui clignotent, le cerveau qui débranche. J’ai le cœur à 250 BPM, je me sens comme un gode ambulant. Cette nuit, je veux caresser la mort pour me sentir vivant.

Je ne sais pas qui tu es, je ne sais plus qui je suis. Je ne sais pas qui tu aimes, je ne sais plus qui je fuis. Retire vite tes vêtements, faisons l’amour avant qu’il ne soit trop tard. Je veux que ça dure toujours, jouir et nuit. Demain n’existe pas.

https://youtu.be/37ptdYkJ1d0?si=213R-AFDp7_AKFkS

Model/Actriz, trop vite, trop fort, trop bon

Demain n’existe pas et, quand je sors du coaltar, je ne me souviens de rien. Jusqu’à ce que je tombe, par hasard, sur la bande-son de la nuit passée. La soundtrack de ma noctambulation s’appelle Pirouette ; c’est le deuxième album du quartette de Brooklyn, Model/Actriz.

Alors, je revois les flashs, la lumière blafarde d’un club souterrain, les ondulations de corps-allumettes qui se frottent et s’étincellent. Crac.

Dans cette ligne temporelle, il me faut un moment pour m’habituer aux rythmiques agressives de Model/Actriz. Ça va trop vite, ça bat trop fort pour la version de moi qui médite en écoutant LEYA. Plusieurs fois, je me sens oppressé, groggy par ces grêles de coups qui martèlent mes tympans. J’ai l’impression de me battre contre cette musique, comme un boxeur en apnée, au bord du chaos. Je suis dans les cordes.

Je suffoque. Cette fois, c’est sûr, je vais perdre pied. Je suis à deux doigts de m’échouer contre les rochers. Et puis, de ce déluge émerge la voix sensuelle et extravagante de Cole Haden. Son chant de sirène queer me ramène à la surface, balloté mais sur-vivant.

Harden ressemble à l’enfant caché de Lady Gaga et Freddie Mercury. Quand sa voix s’insinue entre les beats ravageurs de ses compères, c’est l’extase qui domine, une asphyxie érotique.

Pirouette, un album de possession

Avec Pirouette, Model/Actriz signe un album de possession. Pas celle des vinyles bien rangés dans une étagère, non. Celle d’un corps qui n’est plus tout à fait à soi. Un corps traversé, électrocuté, détourné de sa trajectoire initiale. Ce disque ne s’écoute pas, il s’incarne. Il pulse dans la gorge, se love dans les reins, percute les tempes. On ne sait pas s’il faut danser ou fuir, se libérer ou se consumer. C’est ça, la pirouette : un tour complet sur soi-même, sans savoir si l’on va retomber sur ses pieds ou s’écraser la mâchoire au sol.

Musicalement, le quatuor new-yorkais déroule une transe industrielle qui claque comme un fouet : percussions martiales, guitares tranchantes, basse épaisse comme un brouillard toxique. Mais ce chaos est millimétré. Chaque morceau est une machine de guerre bien huilée, où l’énergie punk se fond dans la précision chirurgicale du post-indus. Loin des facilités du revival cold wave, Pirouette est un monstre moderne, hybride et vorace, qui n’appartient qu’à son époque.

https://youtu.be/4u1354K6gW8?si=LptQDzicnbIIE-sk

L’aura fiévreuse de Model/Actriz

Et puis il y a la voix de Cole Haden, bien sûr. Féline, perverse, vulnérable, théâtrale. Une voix qui chuchote, caresse, mord et supplie dans la même phrase. Une voix qui performe plus qu’elle ne chante, en équilibre permanent entre l’extase et l’effondrement. Ses textes, énigmatiques et chargés de tension sexuelle, évoquent des désirs sans objet, des identités liquides, des danses avec l’abîme. Tout est codé, tout est trop. Et c’est précisément ce trop qui fait tenir l’édifice, qui donne à l’album cette aura d’urgence fiévreuse.

Pirouette, c’est l’album d’une génération qui ne se berce plus de trop grandes illusions mais qui continue de s’enivrer, juste au cas où. Un disque de sueur et de nuit blanche, de sexe flou et de néons vacillants. C’est un cri, un spasme, une fuite en avant. Et quand la dernière note s’éteint, il ne reste que le silence – et l’envie d’y retourner.

 

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