A l’est, le temps sera nuageux. La pluie fera son apparition quand tu t’extirperas de ta couette douillette et ne s’arrêtera pas jusqu’à ce que tu y retournes. Lorsque tu franchiras la porte de ta maison pour te rendre sur ton lieu de travail, les précipitations s’intensifieront et tu finiras trempé comme une soupe. Si tu es natif du deuxième décan, munis-toi d’un imperméable jaune et évite les plats en sauce. Grève à la SNCF. A l’UMP, des perturbations sont également à prévoir. Une minute de silence sera observée dans toutes les écoles de commerce à la mémoire du JR Ewing, récemment décédé. En apprenant la nouvelle de la mort de son ex-mari, Sue Ellen se serait remise à boire. Agacé par ce flot ininterrompu de mauvaises nouvelles, j’ai éteint la radio, avalé quelques cornflakes et, sous le regard amusé de mon fils, j’ai planté une girafe en plastique au beau milieu d’un paysage en Lego multicolore. Sans conteste le meilleur moment de ma journée. Le reste n’était que pluie, embrouilles, prises de tête et compagnie. Si au moins j’avais pu glander sous la couette et soigner mon spleen naissant à grands coups de musique pour jours météorologiquement douteux. La musique adoucit les moeurs. Celle de Fox + Sui s’apparente littéralement à un anti-douleur mélodique. Vous vous sentiez lourd? Vous flotterez. Vous vous sentiez asphyxié? Vous respirerez. Fox + Sui, c’est du sel marin pour celui qui a le nez bouché, c’est du soleil sous la pluie, c’est une oasis de bonheur dans la grisaille.
L’EP s’appelle Taboo et nous vient tout droit des antipodes. De Melbourne, pour être plus précis. A l’écoute des premières mesures, on se dit qu’une telle musique aurait difficilement pu être produite à Guéret ou à Vladivostok. Tout commence par des clapotis d’eau de mer et des cris d’oiseau dans le lointain. Summer Storm, un orage estival dont on n’a rien à craindre puisqu’on est à l’abri derrière la fenêtre de notre chambre. De pluie, il est plusieurs fois question tout au long de l’EP mais le sentiment qui prévaut, c’est plutôt celui de flotter à la surface de l’eau ou de se laisser porter par le flux et le reflux d’une mer chaude. Battements de poche à l’effet apaisant, atmosphères tropicales, Taboo sonne comme un doux cocon enveloppeur. Pour autant, la musique de Fox + Sui est beaucoup plus riche et infectieuse que le simple fond sonore pour bar lounge auxquels les oreilles pressées et mal dégrossies pourraient être tentées de la réduire. Aux détours de la production organique de Fox et de la voix sirupeuse de Sui Zhen (dont le travail solo mérite qu’on s’y attarde dans un futur proche), ce sont de remarquables paysages sonores qui se forment dans l’esprit de l’auditeur. Mélange d’exotisme, de torpeur et de nostalgie, les six morceaux de Taboo sont des madeleines de Proust, des rémanences de vacances que l’on aurait passées dans une vie antérieure et qui remonteraient à la surface comme une vague de bien-être. On ne demande qu’à se laisser porter.
