J’ai interviewé : A K U A

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Akua Carson, alias A K U A, a tous les atouts pour devenir l’une des grandes voix du 3ème millénaire. Mais ne le crions pas trop fort, pour ne pas heurter la modestie de cette charmante jeune femme. Elle nous avait déjà complétement envoûtés avec les quelques titres disponibles sur le Net (cf Le groupe que les autres écouteront dans un an – Ep. 15 : A K U A). Actuellement en préparation de son premier EP, elle a gentiment accepté de répondre à mes questions. Une interview sans artifices où il est question d’échapper à des leçons de violon, de pleurer après une audition et de faire du playback dans une chorale.

Quels son tes premiers souvenirs liés à la musique?
Ce qui me vient tout de suite à l’esprit :
– Mon père me chantant des berceuses d’une voix profonde et légèrement fausse
– Appeler une station de radio plus de quinze fois dans la même journée pour leur demander de passer ma chanson préférée, en pensant qu’ils ne remarquaient pas que je changeais ma voix à chaque fois
– M’enfuir en courant à chaque fois que ma prof de violon venait me donner un cours
– Me faufiler dans la chambre de mon grand cousin au sous-sol et écouter ses CD en sautant sur son lit
– Regarder béate d’admiration deux filles plus grandes chanter et jouer une chanson folk en harmonie parfaite pendant un spectacle de camp d’été
– Entendre mon frère chanter du hip-hop dans le couloir de notre maison
– Faire des cassettes dans ma chambre
J’ai lu que tu avais longtemps hésité entre le chant et la danse. Est-ce que le choix a été difficile?
(Rires) . Je ne sais pas d’où tu tiens cette information…j’ai dû être mal citée (Rires). Non, c’est juste que j’aime bien faire les deux. J’ai grandi en dansant dans un studio toute ma vie mais j’ai arrêté à l’université quand j’ai commencé à chanter un peu. Si quelqu’un m’offrait la possibilité de devenir la meilleure chanteuse ou la meilleure danseuse du monde, je ne sais pas si je serais capable de choisir. Pour moi, ce sont les exutoires les plus profonds pour s’exprimer…Il y a quelque chose de tellement inné et primitif dans les deux. A mon avis, exceller dans l’un (ou dans les deux), c’est réaliser et expérimenter le potentiel créatif naturel que nous avons en tant qu’humains.

Tu as fait partie d’une chorale a cappella et ensuite tu as fait des chœurs pour plusieurs groupes. A quel moment as-tu décidé de chanter en solo?
Quand je me suis présentée pour la chorale A Cappella en 1ère année de fac, j’ai littéralement pleuré après mon audition. Je me souviens avoir marché dans la rue, les mains encore toutes moites, avec le sentiment d’être une complète imbécile. Je n’avais jamais vraiment beaucoup chanté en public et l’expérience de l’audition a été quelque chose d’assez traumatisant pour moi. Je pensais qu’ils avaient fait une erreur quand ils m’ont annoncé que je pouvais intégrer le groupe. A cette époque, je ne m’imaginais pas devenir une chanteuse solo. Je m’estimais déjà chanceuse de faire partie d’une chorale composée de chanteurs et de musiciens extrêmement talentueux et entraînés. J’espérais juste que personne ne remarque que je ne savais pas lire la musique. J’ai fait beaucoup de playback pendant ces premières années (Rires). En 2005, un ami proche m’a demandé de rejoindre son groupe pour faire les chœurs. D’emblée, j’ai dit non mais il a quand même fini par me convaincre. Quelques années plus tard, après avoir écrit ma toute première chanson, je lui ai annoncé que j’envisageais un projet solo. Il a rigolé et m’a dit “Pourquoi as-tu mis si longtemps?” (Rires). Je n’oublierai jamais combien il m’a aidée à gagner en confiance simplement pour essayer. Quelques années ont passé depuis et, le mois dernier, il est venu me voir jouer en solo au Pianos à Manhattan. C’était un sentiment extraordinaire de le voir dans le public. C’était bon de savoir qu’il avait vu le potentiel en moi depuis le premier jour, bien longtemps avant moi. J’espère pouvoir un jour faire ça aussi pour quelqu’un d’autre.

Ta musique sonne à la fois comme héritée d’une longue tradition de la soul et comme quelque chose de très contemporain. Quels sont les groupes ou les artistes qui t’influencent?
Quand j’ai commencé à écrire de la musique, j’écoutais le premier album éponyme de Little Dragon. Je suis tombé sur deux de leurs chansons en 2007 sur un blog et ça m’a fait complétement planer. J’ai immédiatement aimé sa voix mais, encore plus, j’ai apprécié le fait que la musique qui l’accompagnait n’était pas prévisible ou confinée à un seul genre. Avant ça, j’ai toujours aimé Erykah Badu pour son côté bizarre et sa capacité à faire les choses à sa façon mais je trouvais aussi que son étrangeté ne s’échappait  jamais vraiment du genre hip hop/soul. Little Dragon m’a vraiment montré que la musique soul était en train de faire tomber les barrières et m’a encouragé à penser en dehors des boîtes en matière d’écriture. Jusqu’à maintenant, j’avais toujours hésité à me présenter comme une chanteuse soul ou R’n’B. Je crois que je m’inquiétais que les gens ne voient que ma couleur de peau ou mes cheveux et n’en tirent des conclusions sur ma musique avant même de l’avoir écoutée. Un sorte de stéréotype musical que je n’ai pas voulu encourager. J’ai aussi des influences plus larges. J’ai toujours écouté beaucoup de folk, de vieux jazz et de musique traditionnelle hawaïenne…et, bien sûr, tout ce qui fait référence au R’n’B des années 80 et 90. C’est bien de savoir que des artistes comme The Weeknd (cf Le groupe ques les autres écouteront dans un an – Ep.6 : The Weeknd) font revivre le genre d’une façon nouvelle alors que le R’n’B commençait à devenir usé et embarrassant. Pour ce qui est des influences plus contemporaines, j’écoute aussi beaucoup de musique électronique, de la pop ambiante (Grimes) et de la pop ou du rock indé (Lykke Li) ou encore d’autres artistes contemporains que j’apprécie: Cariou, Nicolas Jaar, Bat for Lashes, James Blake, Cat Power, Quadron, How to Dress Well, Santogold, Clams Casino, Feist, Crystal Castles, Jenny Wilson, Toro y Moi, Alexander, Holly Golightly…Bon, je vais m’arrêter là.
  
Laurel Sprengelmeyer, alias Little Scream, nous disait (cf J’ai interviewé : Little Scream) qu’il n’est pas toujours facile d’être anglophone à Montréal car la vie artistique et culturelle est surtout concentrée dans la partie francophone de la ville? Quelle est ta vision de Montréal en tant que jeune artiste?
De manière générale, je pense que Montréal est un endroit super pour vivre en tant que musicien. Je me suis installée ici parce que, bien que Montréal soit très renommée pour sa scène musicale et artistique, je trouvais la ville beaucoup moins intimidante que Toronto. C’est une ville plus petite que Toronto et si tu es une personne ouverte et amicale, il ne faut pas longtemps pour rencontrer les gens que tu veux rencontrer, anglophones ou francophones. Bien qu’il m’arrive de me sentir éloignée de la partie de francophone de la ville, il y a quelque chose d’étrangement original à vivre dans son propre pays tout en se sentant un peu étrangère. je pense que c’est dans ma nature d’explorer des endroits différents de là d’où je viens à l’origine (Londres, Ontario,…)
Je n’ai jamais trouvé que Montréal soit particulièrement prétentieuse ou concurrentielle au niveau de la musique est c’est ce qui m’a attirée ici. Pourtant, en même temps, je ressens parfois une certaine forme de passivité ici. Nous n’avons pas cette même mentalité “à se bouffer les uns les autres” qu’on retrouve à New-York, donc je ne suis pas certaine que les gens actualisent et maximisent toujours leur potentiel artistique. Dans des villes comme New-York, où la vie est chère et la concurrence rude, les gens se bougent le cul pour réussir. A Montréal, tu peux rester cool et prendre ton temps. Le point positif, c’est que les loyers abordables permettent à beaucoup d’entre nous de se ménager assez de temps libre pour se consacrer à notre art sans avoir à combiner 4 boulots et à vivre dans un placard. C’est en tout cas ma propre expérience de la vie à Montréal en tant qu’anglophone. Je ne voudrais en aucun cas la généraliser aux artistes originaires du Québec. Je suis certaine que leur réalité est différente de la mienne. Je me sens assez naïve quant au fonctionnement de la scène musicale québécoise et le système de subventions aux artistes provinciaux mais je pense qu’il est assez juste de dire qu’il y a de la place pour chacun ici à Montréal.

Tu n’as sorti pour l’instant que quelques chansons sur le Net et certaines personnes disent que tu es peut-être la prochaine grande sensation? Qu’est-ce que ça t’inspire?

Eh bien, en premier lieu, je suis flattée. Ma musique vient d’un univers émotionnel et personnel et est pratiquement toujours catharsique. mes intentions avec ma musique n’étaient pas vraiment de distraire bles autres ou de leur plaire. Je ne crée que par plaisir et désir d’expression personnelle. S’il se trouve que les gens aiment mes chansons, je m’estime simplement heureuse que ce qui est sorti de moi naturellement ait d’une manière ou d’une autre touché les autres. 
Pour ce qui est d’être “la prochaine sensation”, je ne sais pas vraiment ce que ça signifie de nos jours. Nous sommes sans conteste une génération de zappeurs, toujours blasés et en attente du prochain gros truc. C’est très bien de voir les gens s’extasier devant vous mais ça ne veut pas dire qu’ils vous apprécieront très longtemps. Je ne sais pas à quel point les gens se rendent compte que les artistes au grand potentiel qu’ils voient émerger de nulle part travaillent et luttent souvent depuis plusieurs années avant qu’on les remarque et qu’on les écoute. J’ai parlé avec assez d’artistes indépendants et suivi suffisamment de carrières pour savoir que rien n’arrive jamais d’un jour à l’autre, alors je m’efforce d’être patiente avec moi-même et avec mon processus créatif et de ne pas me soucier du succès pour l’instant. J’essaie juste d’être fière de mon travail et d’améliorer mes performances. Pour être honnête, je préférerais que les gens ne m’accordent pas encore trop d’attention pour l’instant. J’ai l’impression que j’ai encore beaucoup de travail à accomplir, de choses à écrire et de choses à améliorer. J’ai commencé en 2011 à jouer devant de parfaits étrangers parce que je n’étais absolument pas sûre de ce que je faisais. Je ne voulais pas que les gens que je connaissais m’entendent au cas où ce ne serait qu’une grosse erreur. Tout ça pour dire qu’entendre des retours positifs a renforcé ce que j’essayais de faire et m’a encouragé à continuer mon travail.
D’après mes informations, tu es en train de travailler sur ton premier EP. Peux-tu nous en dire plus?
C’est vrai. Je travaille actuellement sur mon premier EP! (Cri d’exclamation!). Je suis vraiment excitée de faire honneur aux dernières années de ma vie d’adulte (même les périodes merdiques) dans cet EP. Je viens d’enregistrer, en novembre, 5 chansons avec des musiciens et des producteurs très talentueux, en studio à Montréal. Après quelques années passées à chercher la bonne personne, j’ai enfin trouvé deux gars qui ont beaucoup de talent et d’énergie et à qui je fais confiance pour m’aider à donner vie à mes idées. J’espère que les chansons seront des versions plus raffinées et sophistiquées de mes originaux sans compromettre l’honnêteté que j’avais mise dans mes enregistrements maison. Pour l’instant, nous avons quelques mixs préliminaires qui me plaisent vraiment. Pour le moment, je n’ai pas encore de date de sortie mais si les choses continuent comme ça, le travail fini justifiera l’attente.

Tu parles un peu français. Y a-t-il quelque chose que tu aimerais dire à tes fans français?
Salut les gens! Je veux commencer à chanter quelques chansons en français. Je cherche quelques suggestions de chansons françaises que je pourrais reprendre. Envoyez moi un message si vous avez des idées. Je travaillais sur Elle aime d’Albin de la Simone, il y a quelques temps, mais j’avais du mal (rires)…A plus!

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