C’est bientôt la rentrée des classes. Et pourtant, le soleil, taquin, pointe le bout de son nez, histoire, sans doute, de jouer les prolongations. Sous le regard inquiet de leurs parents, nos chères petites têtes blondes s’apprêtent à repeupler les cours de récréation. Et qu’importe, au fond, que vous soyez prêts ou non à leur lâcher la main, ou qu’ils vous supplient, les yeux pleins de larmes. Il est grand temps qu’ils apprennent l’obéissance, la frustration, la contrainte, et autres règles de vie en société. L’heure est venue de se fondre dans le collectif, de ne surtout pas faire de vagues. Au pas, les esprits libres et rebelles. Que commence le nivellement par le bas. La lutte pour ne pas finir crétin, inculte, ou temps de cerveau disponible sur pattes, commence maintenant et ne s’arrête jamais. Les Phony Ppl se sont peut-être rencontrés au lycée, mais ce qu’ils font aujourd’hui, ce qui les singularise, ce qui fait que j’écris ces quelques lignes sur eux, l’ont-ils appris sur les bancs de l’école ? Certainement pas. Au contraire, s’ils offrent une relecture moderne de l’âge d’or du hip-hop, c’est sans doute parce qu’ils ont séché les cours pour écouter leurs classiques en fumant des pétards et en matant le cul des passantes.
Enfin, moi, je dis ça. Si tu me suis depuis un moment, ami lecteur, tu sais bien que l’histoire lointaine du hip-hop est un sujet qui me dépasse largement. Pas de quoi fanfaronner en étalant ma culture. Je risquerais fort d’être ridiculisé par plus érudit que moi en la matière. Mais, quand bien même les références me font défaut, cette mixtape de Elbee Thrie, lead-vocalist de Phony Ppl, découverte au gré de mes promenades musicales, n’est pas tombée dans l’oreille d’un sourd. Peut-être justement, parce que le fan de hip-hop que je ne suis pas, est plus sensible aux instrumentations qu’au phrasé – ou au flow, comme disent ceux qui savent. Peut-être aussi parce qu’Elbee Thrie alterne volontiers parties rappées et parties chantées. Et comme le disque s’appelle 53,000, je pourrais te donner 52,098 autres bonnes raisons de l’écouter tout de suite et de prendre ton pied. Du genre Elbee porte des dreadlocks et ça lui donne un air super cool. Ou, plus pédant, les Phony Ppl sont à l’avant-garde de la renaissance du hip-hop East Coast. Je te dirais tout ça et tu me rejoindrais. Ensemble, on sécherait les cours et on écouterait le disque d’Elbee Thrie, en fumant des pétards et en matant le cul des passantes. Et même, qu’avant de m’endormir, j’ajouterais, en guise de conclusion : “Putain, que c’est bon, le conditionnel présent.”