J’ai entendu : Charles Bradley – No Time for Dreaming

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Quand on me demande quel est mon album favori, la plupart du temps, je reste comme deux ronds de flan, à ne pas savoir quoi répondre. J’écoute tellement de musique que la réponse peut varier d’un jour à l’autre, en fonction de l’humeur du moment ou des découvertes de la semaine. Pourtant, il arrive qu’un disque s’impose comme une évidence, s’insinue dans mon esprit et crée une sorte de dépendance irréversible. C’est ce qui est en train de se passer depuis quelques jours avec No Time for Dreaming, le premier album de Charles Bradley, vétéran de la soul enfin révélé à 63 ans, après une existence tourmentée , marquée par la misère et la douleur. Passant soudainement de l’anonymat à la lumière, Bradley livre un chef-d’œuvre de soul intemporelle. Un disque qui a tout pour devenir un grand classique: de l’âme, du cœur, une voix puissante et déchirante qui n’est pas sans rappeler James Brown et un songwriting habile et évocateur. No Time for dreaming est empreint du début à la fin d’une force et d’une sincérité irrésistibles qui trouvent leurs racines dans l’histoire personnelle de Bradley.
Né en 1948 en Floride, Charles Bradley est d’abord élevé par sa grand-mère avant d’être emmené à New-York par sa mère, à l’âge de 8 ans. Pour échapper à une vie de famille insupportable, il s’enfuit et vit la majeure partie de sa jeunesse dans les rues. L’un des rares souvenirs optimistes que Bradley ait gardés de cette époque, c’est le concert de James Brown à l’Apollo en 1964 auquel sa sœur l’avait emmené. Impressionné, il se met à imiter tous les mouvements du Parrain de la Soul et s’efforce de sortir de la rue. Dans le cadre d’un programme fédéral pour les familles défavorisées, il quitte Brooklyn pour le Maine où il devient cuisinier. Il forme un groupe avec d’autres employés et décide de faire carrière dans la musique. Malheureusement, ses camarades sont appelés au Vietnam et lui se voit contraint de trouver un autre poste dans un hôpital psychiatrique. 9 ans plus tard, il plaque tout et entame une période d’errance avant de retourner en Californie. Il y trouve un emploi de chef tout en continuant à chercher une porte d’entrée dans l’industrie musicale. Viré après 17 ans de bons et loyaux services, il retourne à New-York avec la ferme intention de se consacrer exclusivement à la musique. Il se fait connaître sous le pseudonyme de Black Velvet en reprenant dans les bars les chansons de James Brown. 
C’est alors que Gabriel Roth de Daptone Records le remarque et lui présente le guitariste et compositeur Thomas Brenneck. Ils deviennent des amis proches et Bradley confie à Brenneck l’histoire de sa vie. Lorsqu’il lui raconte l’épisode tragique de la mort de son frère, abattu dans sa maison, son ami est tellement ému qu’il le persuade de mettre cette histoire en musique. C’est sans doute ce qui explique pourquoi No Time for Dreaming est un disque d’un intensité inégalée. Charles Bradley a le timbre de voix rugueux de ceux qui en ont bavé, une sincérité qui donne des frissons et une énergie à déplacer des montagnes. Il n’y a pas de doute, Bradley est un chanteur exceptionnel. Et tout le travail de composition et d’arrangements est largement à la hauteur de la puissance vocale développée par Bradley. Sans aucune fioriture, la production, avec son côté rétro assumé, frôle la perfection. Vous pouvez chercher si vous voulez. Vous ne trouverez rien à jeter dans ce disque. Il était plus que temps que le monde découvre enfin Charles Bradley.

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