J’ai entendu : Détroit – Horizons

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On trouvera quelques imbéciles pour lui dénier le droit de chanter, quelques abrutis qui, pour les mauvaises raisons, voudraient éteindre à jamais la plus belle voie du rock français.

Au hasard d’une phrase, au détour d’une rime, on croisera quelques exégètes dans une quête improbable. A vouloir rattacher à tout prix le moindre mot à ce qui (s’)est passé en d’autres temps, en d’autres lieux, ceux-là se priveront de l’essentiel.

Un bandeau sur les yeux, les mains sur les oreilles, on croisera aussi de ces dénégateurs qui préféreront, pour se donner bonne conscience, faire comme si de rien n’était. Comme si, de tout cela, il n’était pas question. Parangons de vertu se mentant à eux-mêmes.

Comme si, après tant d’années de silence, Bertrand Cantat allait nous entretenir de la pluie et du beau temps. Comme s’il était possible, même, qu’il parle d’autre chose. Ce qu’il faut être con pour penser une chose pareille.

Je ne connais pas Bertrand Cantat. Je ne sais rien de l’homme, que ce que j’ai lu dans les journaux et qui ne veut pas dire grand-chose. Que m’importe à la fin qu’il soit, ou ne soit pas, un enfoiré de première ou un connard de la pire espèce. Dois-je tenir tribunal, le juger pour ses crimes avant d’avoir le droit d’apprécier sa musique ?

Horizons est le disque français le plus fort qu’on ait entendu depuis des lustres. Nul ne manie comme Cantat cette plume sombre et acérée. Qu’il l’ait trempée dans l’encre de son noir vécu ne fait qu’en accentuer la justesse. Qui d’autre aurait assez de talent pour décrire l’indicible avec autant de beauté ? Qu’on puisse être mal à l’aise à l’écoute de ce disque ou, simplement, à la lecture des paroles, c’est la moindre des choses.

Cantat n’écrit pas pour plaire ni pour choquer. Je ne suis même pas sûr qu’il écrive pour être entendu. Je ne suis pas non plus certain qu’il ait pris grand plaisir à l’écriture de cet album. Il écrit par démangeaison, par nécessité, pour se sentir exister. Il écrit pour ne pas étouffer, pour ne pas se noyer, pour se sortir de sa prison. Parce que c’est la seule chose qu’il sache faire. Parce que les mots le brûlent de l’intérieur.

Accompagné de Pascal Humbert, Cantat s’attèle à regarder devant, vers d’autres Horizons. De tout son être, il aspire à prendre la route, à aller de l’avant, attiré par la lumière (Terre Brûlante, Droit dans le Soleil) comme un insecte fou papillonnant autour d’un lampadaire. Mais, à chaque instant, l’obscurité le guette, épuisant tout espoir de départ définitif (Horizon).

Je me fiche de savoir s’il faut haïr Cantat ou lui foutre la paix. L’album de Détroit est un chef-d’œuvre et c’est là tout ce qui compte…

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