J’ai entendu : Iceage – New Brigade

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Il faut que je sois honnête avec vous. Quand j’ai écouté New Brigade pour la première fois, il y a une dizaine de jours, j’ai été aussitôt pris de panique devant le déluge sonore orchestré par les quatre teenagers danois de Iceage. Plusieurs fois, j’ai été tenté de faire le vieux con et d’éteindre le lecteur et, plusieurs fois, j’ai résisté à la tentation. Cette musique n’est pas pour moi, me disais-je, trop violente, trop instinctive, mais dès que mon doigt s’approchait un peu trop près de le touche d’arrêt, une force contraire m’empêchait de couper le son. La musique d’Iceage contient en elle quelque chose d’affreusement irrésistible et contagieux. 
C’est que sous le son primaire et anxiogène de leurs chansons se cachent des influences complexes et variées. Ces jeunes gens-là semblent avoir une connaître sur le bout des doigts l’histoire du punk. Leurs morceaux mélangent à la fois des influences de rock gothique, de hardcore ou de post-punk. On croit parfois entendre Killing Joke, Wire, voire Joy Division. Cette connaissance quasi-encyclopédique est-elle réelle ou ces quatre gamins produisent-ils d’instinct un tel fracas? En tout cas, il n’y a aucun instant pour reprendre son souffle sur cet album. Les quelques 25 minutes que dure New Brigade sont à la fois éprouvantes et gratifiantes pour l’auditeur. Chaque morceau est une rose noire aux épines empoisonnées. Il y a chez Iceage  l’expression immédiate de la colère et des angoisses adolescentes. Les 46 secondes de l’intro suffisent déjà à créer un sentiment de malaise. Mais, en même temps, chaque morceau porte en lui la beauté énigmatique d’une fleur vénéneuse.
Depuis la sortie de l’album au Danemark courant janvier, Iceage bénéficie d’un buzz et d’une audience de plus en plus larges, surtout depuis leur tournée aux Etats-Unis. Certains médias musicaux voient même en eux les sauveurs du punk. Comme si la musique punk avait besoin d’être sauvée! Certes ces quatre jeunes gens redonnent au punk ses lettres de noblesse en le sortant de l’ornière punk-pop californien tout public à la Green Day. Ici, les puristes s’y retrouvent. Pourtant, limiter Iceage à de la musique punk me semble un peu réducteur. On l’a vu, leurs influences sont bien plus larges et, en outre, ils semblent cristalliser en eux toute la colère et l’anxiété d’une jeunesse qui a envie de crier son mal-être et ses interrogations.
On ne sait pas de quoi sera faite la suite de leur carrière. Mais, quoi qu’il en soit, New Brigade est un album phénoménal et extraordinaire. Un savant dosage de brutalité et de finesse, de jeunesse insouciante et de maturité musicale. Iceage balance des brûlots complexes qui fourmillent d’idées à la seconde mais sans jamais se défaire d’une efficacité imparable. Les paroles parfois inaudibles sont comme des blancs que l’auditeur est invité à remplir. Le groupe pourrait se contenter de ses grands délires bruitistes mais, consciemment ou non, ils laissent toujours une porte d’entrée dans leur univers. Qu’on aime ou pas New Brigade, c’est un album qu’on ne peut pas ignorer car il impose un nouveau paradigme dans l’histoire du punk et de la musique rock en général.

A noter : Iceage sera en concert à Strasbourg le 1er novembre à 19h à la Galerie Stimultania.

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