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Photo : Claire Dorn |
Ami lecteur, où sont passées tes vertes années ? Prisonnier du temps qui passe, tu vieillis au rythme de tes cellules. Ta jeunesse n’est plus qu’un vague et lointain souvenir, dont l’écho se fait de plus en plus diffus. Avec celle qui naguère faisait palpiter ton cœur d’adolescent, tu t’es enfermé dans la triste monotonie d’une vie de couple sans surprise et sans joie. Vous passez plus de temps à vous faire la gueule qu’à vous faire l’amour. Vous n’êtes plus que deux solitudes sous le même toit, deux côtés du lit séparés par un mur de Berlin conjugal. La femme acariâtre qui te tourne le dos semble parfaitement étrangère à l’adolescente aux seins fermes et aux jambes fuselées qui s’élance de tes souvenirs. Ton propre corps croule sous le poids des ans et des excès alimentaires. Envolés tes rêves d’éternité, tes belles illusions, cet avenir radieux que tu avais imaginé. Coincé dans une routine morose, tu rassembles les éclats de rêves brisés pour essayer de te donner une contenance. A genoux, balayette en main, tu t’apprêtes à tout foutre en l’air quand, soudain, de ce marasme, s’échappe une bulle d’air salvatrice. Elle flotte avec légèreté devant tes yeux, diffusant dans l’atmosphère un doux parfum de liberté. Indestructible, éphémère, elle poursuit sa course en dehors de ton champ de vision. Plus loin, un enfant, bientôt rejoint par ses camarades, essaiera de la capturer. Leurs voix sauvages et juvéniles te parviendront malgré la distance. A l’abri dans la bulle, qui les protégera des ravages du temps, les enfants sages grandiront. Ils deviendront Kid Wise et répandront aux quatre coins du monde une douce musique sur laquelle les années n’ont pas prise.
Au commencement, en 2012, Augustin Charnet, 17 ans, crée Kid Wise, projet solo électronique qui se concrétise par la sortie de l’EP La Sagesse. Augustin est un adolescent comme les autres. Bon, d’accord, il s’est fixé pour ambition de transmettre la sagesse, il reprend en préambule de son EP un discours de Bergson sur l’Art, il rêve de jouer un concert à quatre mains avec Keith Jarrett et il peut, à l’oreille, rejouer tout ou presque sur un clavier. Mais avoue, ami lecteur, que ce n’est pas parce qu’on est (un peu) plus doué que ses camarades de classe qu’on n’éprouve pas pour autant des émotions similaires. Le rapport au temps, l’expérience des premiers émois amoureux, le mélange de fragilité et d’invulnérabilité qui caractérise l’adolescence, ce sont ces sensations-là qu’Augustin cherche à retranscrire dans ses compositions. Et il y arrive bien. Sa musique est une véritable cure de jouvence. Elle a même réussi à ôter quinze ans au vieux con que je m’apprêtais à devenir. J’ai 17 ans à nouveau, je flotte dans ma bulle. Devant moi se déroule tout l’univers des possibles. Depuis, Augustin s’est entouré d’autres musiciens et c’est désormais un groupe à part entière qui se lance dans la préparation d’un prochain EP de “néo-pop progressiste”. Financé en partie via une campagne de crowdfunding, ce nouveau projet s’annonce très ambitieux puisqu’il est question de s’acoquiner avec des cuivres et des bois. J’ai hâte d’entendre le résultat car quelque chose me dit que ces enfants sages vont bientôt devenir très grands.