J’ai entendu : Manicure – Voshkod

Browse By

Où il est question de blanc, de vaisseaux spatiaux, de nouvelle naissance et de paysages lunaires…

Je lève les yeux au ciel. Je ne vois rien venir. J’ai beau plisser les yeux, les écarquiller. Rien. On m’avait pourtant dit que c’est ici que le soleil se lève. Moi, je ne vois que du blanc. Du sol au plafond, du blanc à perte de vue. Comme une page qu’on aurait oublié d’écrire. 

Quand j’étais petit, j’étais souvent ailleurs. J’avais le nez en l’air, la tête dans les étoiles. Tandis que les autres enfants jouaient à la balle ou à chat perché, je restais enfermé pendant des heures à construire des vaisseaux spatiaux avec des cartons d’emballage et des boîtes de conserve. On se moquait de moi, on disait que j’étais dans la lune. Mais les sarcasmes glissaient sur moi comme Oksana Grichuk sur la glace de Nagano.

J’ai passé mon enfance et une partie de mon adolescence à rêver aux exploits des cosmonautes qui marchaient dans l’espace. Je ne suis jamais parti. Le matin, quand j’ouvre mes volets, aussi loin que je regarde, je vois toujours les mêmes immeubles et ce blanc à n’en plus finir. Pourtant, je donnerais cher pour voir d’un peu plus près le soleil se lever.

En Russie, lever du jour se dit “voskhod”. C’est aussi le nom du programme spatial développé par les Soviétiques en 1964. Le premier vaisseau à pouvoir emporter trois passagers. C’est peut-être pour ça que le groupe moscovite Manicure, devenu trio, a donné ce nom à son nouvel album.

Pour ce troisième album, la formation emmenée par l’auteur-compositeur Evgeny Novikov repasse au russe. Un retour aux sources qui fait sens puisque c’est au cœur des territoires urbains de sa jeunesse que Novikov a puisé son inspiration. C’est dans la froideur du béton, dans les zones industrielles de la banlieue de Moscou, que Manicure attend cette aube qui tarde tant à se dessiner.

Musicalement, c’est aussi une sorte de renaissance pour Manicure. Alors que Grow Up, leur précédent album, offrait un son guidé par des guitares nerveuses, très “joy-divisionesques”, impression que renforçait encore la voix de Novikov, semblable à un fantôme de Ian Curtis, Voskhod voit le trio russe explorer de nouvelles voies. La réduction d’effectif n’est sans doute pas étrangère à la nouvelle direction du groupe qui présente désormais un son plus synthétique. C’est sur ces paysages lunaires que se pose la voix obsédante de Novikov.

Voskhod donne une impression d’espace qui manquait à son prédécesseur. La froideur et la mélancolie sont toujours présentes mais le groupe moscovite s’est sensiblement apaisé, comme si la colère avait fait place à l’espoir. C’est sans doute ça grandir (Grow Up). Et ce lever du jour est sans doute le plus beau disque de coldwave qu’on ait entendu depuis longtemps.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Afficher les boutons
Cachez les boutons