A 31 ans, il m’arrive souvent de me demander si je ne suis pas en train de devenir un vieux con. Quand je vois ce qu’il est convenu d’appeler “les jeunes”, il m’arrive régulièrement de me sentir déconnecté. Ils écoutent avec un plaisir évident une musique inaudible pour mes tympans sensibles, portent des tenues que je n’oserais pas arborer en public, fût-ce au carnaval de Rio ou à celui, moins ensoleillé mais tout aussi haut en couleurs, de Dunkerque. Ils écrivent avec une orthographe des plus baroques, utilisent des expressions dont le sens m’échappe totalement et se moquent ouvertement de ma piètre maîtrise des nouvelles technologies. Serais-je donc passé du côté obscur de la limite d’âge, celui où les cheveux blancs se font de plus en plus nombreux alors que le stock de neurones subit l’évolution inverse? Lorsque de tels doutes m’assaillent, il me suffit de boire un bon verre de vin, de lire un bon livre, d’écouter une musique que j’aime, et me voilà aussitôt envahi d’un souffle rafraîchissant. Au fond, qu’est-ce que la jeunesse sinon une capacité à s’émerveiller devant les trésors que nous offre la vie, une capacité à déguster la vie avec gourmandise? Être jeune, c’est être capable, à 30 ans, 50 ou 70, de regarder un feu d’artifice ou d’écouter une chanson avec l’âme intacte d’un enfant. Depuis quelques semaines, ma bande-son parfaite de la jeunesse éternelle pourrait être l’album All Things Will Unwind de My Brightest Diamond.
Il y a dans ce disque un souffle de vie intense. Il y a de l’amour, de l’audace, de l’invention. Comme si Shara Worden, alias My Brightest Diamond, avait gardé en elle le meilleur de l’enfance. Comme les enfants, elle aime se déguiser. Comme eux, elle aime se mettre en scène et raconter des histoires. Musicalement, elle fait preuve d’une originalité rare en réconciliant des genres trop souvent cloisonnés. Il n’y pas chez My Brightest Diamond la grande musique d’un côté et, de l’autre, la musique populaire. Elle marie les deux dans une symphonie d’images et de couleurs qui peignent un univers personnel riche et luxuriant. Les 11 titres qui composent ce disque sont autant de chefs-d’œuvre de pop expérimentale, enrichis d’arrangements classiques somptueux magistralement exécutés par le YMusic Sextet, récemment rencontré chez Son Lux et que je ne me lasse décidément pas de retrouver. 11 compositions d’une beauté et d’une inventivité saisissantes qui sont autant d’écrins parfaits pour la voix inimitable de Shara Worden, une voix qui, à elle seule, vaut tous les diamants du monde.
Bref, vous l’aurez compris, c’est le ravissement le plus complet avec ce disque. Un disque qui ne me laisse qu’un seul regret: celui de n’avoir pas plus tôt succombé aux charmes de My Brightest Diamond. Je suis en pleine séance de rattrapage et je peux vous affirmer que l’ensemble de sa discographie est digne de tous les éloges et de toutes les dithyrambes imaginables. Elle sera à La laiterie de Strasbourg le 30 mars 2012. Jeunes de tous âges, venez-y nombreux, il serait dommage de perdre une aussi belle occasion de s’émerveiller…
My Brightest Diamond sera en concert à La Laiterie, Strasbourg, le 30 mars 2012