Une nouvelle année commence charriant avec elle son cortège de bonnes résolutions. Vous savez: celles qu’on prend tous les ans et qu’on n’arrive jamais à tenir plus de quelques jours. Je vous livre pêle-même les miennes: manger sainement, faire du sport, ne pas insulter mon voisin maniaco-dépressif, ne plus évoquer dans mes articles ni Fleet Foxes, ni Foster the People, faire des phrases courtes et arrêter d’écrire des introductions sans queue ni tête qui ne permettent en rien de présager où je veux en venir. Programme ambitieux surtout en ce qui concerne le voisin et Foster the People, qui étaient un peu mes deux têtes à claques de 2011. Mais, maintenant que vous scrutez le moindre de mes mouvements, prêts à me taper sur les doigts à la première incartade, je suis pieds et poings liés. Il est donc grand temps que je me mette à parler de White Denim et de leur album D sorti courant 2011 et, selon moi, l’un des grands oubliés des classements de fin d’année de la presse musicale française, un certain hebdomadaire que je m’efforce de ne pas critiquer lui ayant préféré aux places 45 et 99 deux groupes que je m’évertue à ne plus évoquer.
Et, pourtant, D est, à n’en point douter, l’un des meilleurs albums sortis en 2011. Troisième album (si l’on met de côté Last Day of Summer qui est plutôt une compilation de démos) du groupe texan White Denim, D confirme tous les bons espoirs placés dans ce trio, désormais devenu quatuor. S’il s’inscrit dans la lignée de ses prédécesseurs, ce nouvel effort marque néanmoins un saut qualitatif certain. L’ajout d’un guitariste supplémentaire y est pour quelque chose mais D a aussi bénéficié d’une production de qualité supérieure qui met en valeur le son exceptionnel du groupe. Car, techniquement, il n’y a rien à redire, D est de bout en bout époustouflant de maîtrise. Appuyées sur une section rythmique impeccable, capable de changements de rythmes vertigineux, parfois au beau milieu d’un morceau, les deux guitares rivalisent de virtuosité pour faire émerger des riffs, des ambiances et des textures variées. Avec une telle maîtrise, White Denim peut se permettre toutes les audaces. Que le groupe se tourne du côté du psychédélisme des années 60-70, fasse un tour du côté du blues-rock progressif ou aillesur des terrains plus proches de la pop, la perfection est toujours au rendez-vous.
S’il y a un reproche qu’on peut faire à cet album, ce serait ce côté patchwork qui confine parfois à l’exercice de style certes virtuose mais un peu gratuit. Néanmoins, après de multiples écoutes, D réserve encore bon nombre de surprises. C’est un album qui ne se livre pas immédiatement dans toute sa nudité, ce qui peut être déroutant pour un auditeur distrait ou pressé. Mais, sur la durée, D s’impose comme un grand disque contemporain tant les influences nombreuses sont totalement digérées pour former au final un son propre à White Denim. Du grand art.