J’ai interviewé : Bal Pygmée

Browse By

Vendredi soir, quand sonne l’heure du weekend, le repos institutionnalisé qui fait suite à la lente monotonie d’une semaine de travail sans éclats ni envie, au lieu, comme les autres jours, de m’enfoncer dans les entrailles d’un tramway morose et bondé, pour me faire recracher au terminus quelques stations plus tard, je marche sous un ciel équivoque, en direction du quartier Gare. Les boutiques de luxe et les immeubles huppés du centre-ville font place à un décor différent. Vu de loin, tout semble plus gris, plus sombre comme si le ciel était tout à coup devenu triste. Mais plus j’avance et plus j’aperçois les couleurs, les odeurs, les saveurs, les sons qui animent ces artères bouillonnantes de vie. C’est là, au troisième étage d’un immeuble fatigué que j’ai rendez-vous avec Malika et Franck de Bal Pygmée (cf Hopla Geiss – Ep.9). Accueilli par un sourire et une bière fraîche, revigoré par une assiette de pommes de terre, je taille une belle bavette de six heures avec les deux acolytes. Je n’interviewe pas, je papote. Pas d’enregistreur. Oublié à la maison au fin fond d’un tiroir surpeuplé. Pas même une feuille de papier. Une rencontre. Une ambiance. Des souvenirs. Rien n’est (encore) écrit. Tout est là, dans ma tête. Dites, Franck, Malika, dessinez moi Bal Pygmée. 
“Bal Pygmée, c’est d’abord des rencontres. Plus que la musique, ce qui est important, ce sont les gens. Ces gamins qui sont venus nous parler à la fin du concert des Scènes Tremplins l’autre jour. Ou cette grand-mère en déambulateur, à Colmar, qui est descendue de chez elle pour nous écouter de plus près. Notre force, c’est qu’on parle à toutes les générations.” Né il y a sept ans, Bal Pygmée a déjà bien écumé les scènes de l’Est de la France. Sur scène ou en mode déambule, c’est plus de 200 dates au compteur et une présence scénique qui doit beaucoup aux deux comparses. Quand Malika s’éclipse un instant, Franck m’avoue avec un large sourire : “Elle est impressionnante”. Quelques heures plus tôt, c’est Malika qui ne tarit pas d’éloges sur son compère : “Franck, c’est un dinosaure du quartier Gare. Sa famille y habite depuis quatre générations, c’est un peu l’âme du quartier”. Un quartier vivant, animé, cosmopolite comme l’univers du groupe. “Le dernier quartier de Strasbourg où il existe encore une vraie mixité sociale”, déplore Franck “mais pour combien de temps?”. C’est là que Bal Pygmée a vu le jour et c’est de cette essence que le projet se nourrit. Franck et Malika, colonne vertébrale d’une formation à géométrie variable. “A un moment, on était plus nombreux, on a eu un joueur de oud, un musicien camerounais aussi. Ça a pas mal bougé”. Aujourd’hui, ils sont quatre. “On nous disait : il faut absolument un guitariste. Et puis, au final, on fait sans. C’est bien quand même, non?”, interroge Malika. “Le nom Bal Pygmée, c’est venu tout de suite. Bal, pour le côté accordéon et Pygmée, parce qu’il y avait ce côté africain. Et puis, eux aussi, ils en chient. Ils sont en train de disparaître”. Et cet animal qui leur sert d’emblème? “Ah ça, c’est une chèbre. Une sorte de croisement entre un zèbre et une chèvre”, s’amusent-ils. La bière continue de couler et la soirée rejoint peu à peu la nuit. Bal Pygmée est un groupe qui a des choses à dire. “Quand quelque chose nous énerve, il faut que ça sorte”. Et si ça ne plaît pas à certains, tant pis pour eux. “Une fois, dans un festival, on a commencé à chanter J’ai faim pendant que les mecs attaquaient leurs flammekueches. L’organisateur est monté sur scène et nous a demandé ce qu’on foutait. On a continué”. Un groupe rare, sans concessions et sans compromissions, qui refuse toutes les étiquettes. Ne leur dites surtout pas que leur musique est festive ou vous allez nous les fâcher. L’interview fleuve (de bière) continue. On écoute Danyèl Waro, un chanteur réunionnais, puis le nouveau projet bretonnisant d’un ancien Bérurier Noir. “Il y a un groupe avec lequel on aimerait vraiment jouer, c’est ZEP, Zone d’Expression Populaire. Ils sont de chez toi, ils viennent de Lille”. Si seulement, je pouvais rendre ça possible…Je les quitte au beau milieu de la nuit, des images et des projets plein la tête. C’est sûr, on se reverra et sûr aussi que vous en entendrez bientôt reparler. Prochains rendez-vous avec Bal Pygmée le 27 octobre au Cabaret Clando à Mohrange et le 10 novembre au Kitsch’n Bar à Strasbourg. Et la bonne nouvelle, c’est qu’ils entrent en studio d’ici la fin de l’année. A suivre…

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Afficher les boutons
Cachez les boutons