Souvenez-vous, il y a quelques semaines, je prenais en pleine figure une escouade de drôles d’oiseaux qui m’envoyaient en vol plané au septième ciel musical. Ils s’appellent California Condors (cf Le groupe que les autres écouteront dans un an – Ep.19) et réinventent à leur manière l’esprit du rock des années 60 avec une virtuosité qui, à l’instar du condor de Californie, semble en voie de disparition. Avant de déployer leurs ailes pour la sortie d’un prochain album, ils ont accepté de se poser un instant et de répondre à mes questions. De tous les groupes que j’ai interrogés, ce sont sans aucun doute ceux qui sont les plus impressionnants quand ils racontent comment ils on chosi leur nom de groupe.
Comment vous-êtes vous rencontrés et comment le groupe s’est-il formé?
Kenn et moi sommes amis et avons joué ensemble la plupart du temps pendant 7 ans. Nous étions pendant quelques années dans un groupe qui s’appelait Addison jusqu’à ce que le goupe se sépare en 2004. Ensuite, nous sommes restés très proches. Nous gardions toujours un oeil sur les musiciens qui étaient dans le même esprit que nous pour monter un nouveau projet qui tienne la route et c’est là que Reza est arrivé. Nous le connaissions par l’intermédiaire d’un ami commun et nous savions qu’il était aussi un excellent guitariste. Un jour, j’ai eu l’idée de l’appeler pour l’inviter à venir jouer quelques morceaux et déconner avec nous. Il s’est avéré qu’il était aussi un excellent songwriter. Graduellement, nous en sommes venus à l’idée de nous accompagner les uns les autres. Nous nous échangions les instruments en fonction de qui avait écrit la chanson. Le soir de notre premier show (mes chansons, en fait), notre ami Sachin était aussi à l’affiche. Il est arrivé tôt pour les balances et a remarqué que nous n’avions pas de bassiste. Il a pris la basse et on s’est mis à jouer comme si on avait toujours été ensemble. Nous sommes rapidement passés de l’idée de projets solo à celle de monter un groupe. Nous avons aussitôt évalué nos forces et avons chacun repris les instruments avec lesquels nous nous sentions le plus à l’aise: Joe à la basse, Kenn à la batterie, Reza et Sach aux guitares. Nous étions décidés à garder un fonctionnement démocratique. Tous le même nombre de morceaux et tous la même voix au chapitre dans le groupe. Mais celui qui écrit la chanson gardait le dernier mot sur le résultat. En peu de temps, nous avions un album qui nous semblait cohérent. Depuis, Sachin a quitté le groupe pour poursuivre sa propre carrière et sa propre orientation musicale, mais nous restons tous bons amis. Sachin est mon coloc donc nous nous voyons toujours et nous traînons ensemble tous les jours. Le changement nous a aidé à nous ouvrir créativement et nous sommes très enthousiastes à propos des nouveaux morceaux et de la direction que nous prenons.
Est-ce que vous vous appelez California Condors parce que vous êtes fans d’ornithologie?
D’ornithologie? Hmmm, voyons voir…Ok, c’est bien ce que je pensais. Non, je ne dirais pas ça, même si ce sont des créatures fascinantes. En fait, je picolais un soir et j’essayais de penser à des noms de groupes et puis, d’un coup, j’ai eu ce souvenir de mon enfance. Nous étions partis en excursion avec l’école quelque part dans les collines de Californie du Sud. Tandis que nous marchions dans les broussailles, les profs et les guides flippaient parce qu’ils avaient aperçu ce condor de Californie qui tournait en arc-de-cercle là-haut dans le ciel. C’était comme si l’oiseau attendait juste que la Terre se mette à tourner en-dessous de lui. Hypnotique! Ce n’était seulement une vue assez rare d’un oiseau en voie de disparition mais aussi un spectacle magnifique à contempler. Ce souvenir est toujours resté marqué. Et vu que c’est un nom facile à retenir en plus, combiné au fait que la musique authentique, venue du cœur, issue d’une vraie démarche artistique est aussi en quelques sorte une espèce glorieuse et en voie de disparition, le nom a commencé à prendre de plus en plus de sens pour nous. Il m’arrive parfois de me dire que le nom fait penser à celui d’une mascotte d’école, un personnage de dessin animé qu’on colle sur les maillots de football.
Votre musique semble profondément inspirée par les grands groupes de rock des années 60? Pensez-vous que cette période était une sorte d’âge d’or du rock et quels sont les groupes qui vous ont le plus influencés?
Oui, selon moi, absolument. Bien qu’il y ait des trucs super dans chaque génération musicale avant et après, les années 60 restent le point culminant de l’édification et de la virtuosité musicales. Les Beatles, bien sûr, régnaient en monarques et leur musique est ancrée dans notre ADN comme faisant partie du progrès et de l’évolution de l’humanité. Il y a tellement d’influences pour nous qui ont repris et poussé encore plus loin cette progression, comme Elliott Smith et plein d’autres. J’ai toujours voulu être un maillon de cette chaîne. La liste des musiciens qui nous ont influencés est sans fin mais voilà quelques exemples marquants de ce que nous aimons et de ce qui nous inspire : Neil Young (and Crazy Horse!) the Kinks, Brian Wilson, Artie Shaw, Autolux, the Zombies, Air, Townes Van Zandt, Aphex Twin, Ledbelly, Bob Dylan, Willie Nelson, J-Dilla, Howlin’ Wolf, Radiohead, Harry Smith, Alan Lomax, Sonic Youth, the Stooges, Harry Nilsson, Flatt & Scruggs, Pink Floyd, Nirvana, Mamas and Papas, Gorillaz, the Byrds, Parmi tellement, tellement d’autres. Sharon Van Etten est une de nos grandse influences contemporaines. récemment, j’écoute beaucoup Ariel Pink et R. Stevie Moore. Mon ami Alex, alias le compositeur électro Lexaunculpt (de Internal Tulips) m’a récemment fait découvrir cette chanson The Electrician des Walker Brothers. J’adore trouver des trésors cachés. Nous avons tous soif d’or.
J’ai lu que vous n’aviez pas de maison de disques . Est-ce parce que vous vous méfiez de l’industrie musicale, parce que vous êtes durs en affaire ou parce que les labels pensent que vous ne leur rapporterez pas assez d’argent?
Nous n’avons même pas discuté avec un seul label pour l’instant..L’industrie musicale fonctionne entièrement sur le peur et ce depuis un long moment. Non, essentiellement, nous n’avons rien à faire des maisons de disques. Nous serions tout aussi contents si nous pouvions simplement faire de la musique sans avoir à nous vendre. Mais, avec le premier album, le plus important pour nous était de laisser le processus se dérouler naturellement du début à la fin. Le groupe et les chansons sont arrivées de manière très organique et nous voulions juste que que tous ceux qui le souhaitaient puissent avoir l’album. Nous n’avons aucune idée des personnes qui pourraient s’intéresser à notre musique dans le but de gagner de l’argent. Si ça arrivait, nous serions ravis mais ça n’arrive jamais, nous continuerons à faire de la musique et à essayer de l’offrir au public auprès duquel nous devons encore nous faire connaître.
Votre album est en téléchargement libre sur Bandcamp alors que beaucoup de groupes fixent un prix. Était-ce important pour vous de partager votre musique gratuitement?
Ce qui était important pour nous, c’était de le sortir sur Bandcamp pour que les gens puissent l’écouter et pour que nous puissions découvrir notre public. Qui paierait pour écouter un groupe qu’il n’a jamais entendu avant? Surtout quand il y a tellement de groupes horribles qui sortent leur merde à des prix exorbitants. Quoi qu’on en pense, la musique est gratuite de nos jours et il nous a semblé que c’était le seul choix pour s’assurer que nous toucherions effectivement des auditeurs dans ce milieu très difficile. Pour l’instant, ça se passe plutôt bien puisque nous t’avons touché, toi, et une poignée d’autres avec qui nous ne serions sinon jamais entrés en communication. Nous ne faisons de toute façon pas beaucoup d’argent là-dessus, alors ça nous a semblé tout aussi bien de le proposer gratuitement. Bandcamp est l’un des meilleurs outils pour les groupes et pour les fans de musique, et nous sommes fiers de pouvoir profiter de leur génie et de leur travail. Peut-être que dans un futur proche, on peut s’attendre à ce que des gens payent pour nous pensées musicales ou des produits plus tangibles, mais je ne crois pas que nous en soyons déjà tout à fait à ce stade.
Certains critiques vous trouvent bons mais doutent que vous soyez capables de renouveler votre style pour faire quelque chose de différent de Calm Carnivore…
Honnêtement, nous ne pensons pas à ça. Ils n’ont qu’à attendre de voir.
Vous travaillez sur un nouvel album. Peux-tu nous en dire plus? Avez-vous déjà une date de sortie?
Nous sommes actuellement sur 3 nouveaux albums/projets. Le premier, c’est le nouvel album de Sachin sur lequel nous jouons et chantons. C’est un songwriter extraordianire et nous avons hâte de commencer la promotion de ce projet une fois que nous aurons un peu avancé dans la production. Le deuxième est un projet similaire dans lequel nous accompagnons miusicalement notre grand ami Bob Fink, qui vit en Arkansas. Il est venu en avion pour enregistrer son album avec nous et, en ce moment, nous nous envoyons les voix additionnelles via Dropbox. Là aussi, nous avons hâte de le faire à partager, à toi et à tous ceux que ça intéresse. Le troisième projet, c’est notre nouvel album. Les chansons sont assurément dans la continuité de Calm Carnivore mais apportent aussi leur lot d’innovation et d’idées nouvelles. Les dates de sorties n’ont pas encore été annoncées. C’est une période pleine d’excitation pour nous, remplie de beaucoup d’espoirs et de beaucoup trop de travail.