Le groupe que les autres écouteront dans un an – Ep.134 : Habits

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Photo : Grant Gutierrez

Tous les matins, j’attends le tram à la même heure. Au même endroit. Je me poste là où le sol est légèrement lézardé. Là où je sais que la porte s’ouvrira pile en face de moi. Je n’aurai plus qu’à appuyer sur le bouton, monter dans la rame et m’asseoir sur le même siège que la veille. Habitudes.

Les habitudes sont rassurantes. Comme les enfants ont besoin de rituels pour se sentir en sécurité, les adultes s’engluent dans leurs routines. Faire les choses machinalement, de manière presque inconsciente, c’est tellement plus facile, plus reposant, que de se remettre en question. Changer ? Pour quoi faire ?
La grande force de Habits est justement de réussir à nous emmener là où on n’avait pas prévu d’aller. Dans les méandres tortueux de la psyché de Dustin M. Krapes, difficile de se sentir en terrain connu. Boucles électroniques déroutantes, rythmiques entraînantes, paroles métaphysiques, chant parlé à mi-chemin entre morgue et nonchalance, Habits sonne vaguement comme un Beck des débuts en version 2.0 mais, à part ça, ne ressemble pas à grand-chose d’autre.

Pas étonnant quand on connaît la façon dont les titres sont conçus. Plutôt de se lancer dans la composition avec une idée précise du résultat final, Dustin M. Krapes préfère se laisser guider par des sons ou des samples qu’il joue de manière aléatoire jusqu’à ce que qu’il entende quelque chose : une idée, un rythme qui capte son attention et qui sera le point de départ d’un travail de composition plus méticuleux.

C’est peut-être cette part d’incertitude originelle qui confère à la musique de Habits sa singularité. Quand il écrit des chansons, Dustin M. Krapes affirme avoir en tête un “abysse cosmique” qui serait à la fois dans son esprit et quelque part dans l’espace. C’est au cœur de cet abysse qu’il puise son inspiration. Les mots, les idées, les chansons qu’il en retire seraient des sortes de “non-soi” (unselves), d’où le titre de l’album Unselves in Arrival. Si vous n’avez pas tout compris, vous demanderez à Dustin quand vous le croiserez.

Accompagné en live par un batteur, catcheur professionnel de son état, et un bassiste taxidermiste, Dustin M. Krapes propose en tout cas une expérience qui tranche avec la monotonie du quotidien, une quête métaphysique loin des chemins balisés. C’est sinueux, chaotique parfois mais infiniment riche si on s’y laisse aller. La première chanson de l’album s’appelle Splendor of the Panic. C’en est aussi un assez bon résumé.

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