Le groupe que les autres écouteront dans un an – Ep.29 : Harmony

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Même si je reste très attaché au support physique – le plaisir de tenir entre les mains une pochette de 33 Tours est  sans commune mesure avec le minimalisme désincarné du MP3 – je dois bien reconnaître que la dématérialisation de la musique a quand même quelques aspects positifs. Si la musique n’était pas aujourd’hui en grande partie diffusée sur Internet, nombre de musiciens, qui parviennent par ce biais à se constituer une audience, n’auraient plus qu’à s’en retourner, la queue entre les jambes, à leurs emplois de charcutier, de ramoneur ou de tourneur-fraiseur. Pour certains, ce ne serait que justice mais, pour d’autres en revanche, ce serait un incommensurable gâchis. Pour peu que l’on sache séparer le bon grain de l’ivraie, un site comme Bandcamp peut vite devenir une fantastique malle aux trésors et provoquer, chez le mélomane curieux, des insomnies répétées. Autre vertu de ces sites de diffusion musicale: ils offrent l’opportunité de découvrir des groupes ou des artistes qui opèrent à l’autre bout du monde et dont les œuvres ne sont pas ou peu diffusées en France. C’est ainsi que, au hasard de mes pérégrinations, j’ai croisé le chemin d’Harmony. Ils ont beau être géographiquement aux antipodes; musicalement, c’est le coup de foudre total. De quoi, assurément, donner envie d’aller regarder d’un peu plus près ce qui se passe sur la scène rock australienne.
A l’origine d’Harmony, une belle histoire d’amour. Celle de Tom Lyngcoln, vieux routard de la scène rock australienne, et de son épouse Alex Kastaniotis. Était-ce une clause de leur contrat de mariage? Toujours est-il qu’une fois leur union célébrée, en 2009, les nouveaux mariés décident d’écrire et d’enregistrer une chanson chaque semaine jusqu’à ce qu’ils aient suffisamment de matière pour en faire un album. En 2010, ils sont rejoints par le bassiste Jon Chapple. Harmony aurait pu n’être qu’un trio guitare/basse/batterie de plus, emmené par la voie caverneuse de Lyngcoln. Mais, et c’est là que réside toute l’originalité du groupe, Lyngcoln a l’idée lumineuse d’intégrer trois choristes dont les harmonies vocales font contrepoint avec la rudesse punk de l’ensemble. Le miracle ne se fait pas attendre. Qui aurait imaginé que de la collision de ces deux univers que tout semblait pourtant opposer naîtrait une musique unique, puissante, viscérale, aux confins entre punk-rock et folk? Quel son singulier! C’est certainement l’un des groupes les plus intéressants que j’ai écoutés depuis longtemps. La beauté fragile des chœurs féminins, qui font une soudaine irruption entre les murmures ou les cris de Lyngcoln, est comme une éclaircie au beau milieu d’un déluge. On ne sait pas par quel miracle cet attelage improbable parvient à rester cohérent et, pourtant, il se dégage de cet album une force d’attraction irrésistible.
Pas très facile de se procurer une copie physique du disque de ce côté-ci du globe. Et c’est bien dommage parce que la pochette de l’album vaut, elle aussi, son pesant d’or. On y distingue une femme qu’on imagine jolie, à la fois proche et complétement floue, le seul élément clairement identifiable étant le canon d’un fusil pointé directement vers nous. Comme une menace évidente malgré la promesse lointaine de beauté. Au fond, ça résume assez bien le concept sur lequel Harmony est fondé. Espérons que l’album sera bientôt distribué sous nos latitudes. Il serait plus qu’inconvenant de se passer d’un disque aussi puissant et captivant.

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