Le weekend dernier, pour me remettre en douceur d’une gueule de bois carabinée, j’ai rassemblé le peu d’énergie qui me restait et me suis mis en quête d’une musique apaisante. J’avais, pensais-je, dans ma liste de groupes à chroniquer, le remède miracle aux maux de tête et nausées qui succèdent immanquablement à une absorption excessive de breuvages fermentés. Découvert un jour de pluie et d’arrêt maladie de janvier, Flights semblait en effet réunir tous les attributs du paracétamol musical. Quelle ne fut pas ma surprise lorsque je découvris que la page Bandcamp du groupe avait été vidée de sa substance. Un message prosaïque avertissait le promeneur solitaire perdu dans sa rêverie que Flights ne s’appelait plus Flights mais s’était désormais rebaptisé Foreign Fields. Information démesurément complexe pour mon cerveau alors encore embrumé des vapeurs de la veille. Dans ma tête, c’est un peu Il était une fois la vie, un petit bonhomme s’agite et annonce : “restez en ligne, un opérateur va traiter votre demande”. Ça mouline, ça mouline mais, finalement, les bonnes connexions se mettent en place. “Vous avez demandé Foreign Fields. Un instant, je vous prie, j’effectue la recherche”. Je ne sais pas si je te l’ai déjà dit, ami lecteur, mais, dans une autre vie, j’ai été opérateur téléphonique. J’ai quelques séquelles. Bref, vaille que vaille, me voilà sur la page des fraîchement nommés Foreign Fields. Et, là, ô rage, ô désespoir, comme aurait dit Corneille (le dramaturge, pas le chanteur), je constate que seuls deux titres sont disponibles en écoute. Pas aussi prévoyant que mon collègue blogueur Mmarsupilami (Little Reviews : Bandcamp (34) – Foreign Fields – Anywhere But Where I Am ), je n’ai évidemment pas eu le réflexe de télécharger, légalement de surcroit, l’album complet. A quelque chose malheur est bon puisque, ce jour-là, dans ma quête effrénée de douceur, je croisai le chemin de Mikah Sykes et de son formidable album.
Mais rendons quand même à Foreign Fields les honneurs qui leur étaient initialement destinés. Leur premier album est une petite merveille qu’il serait égoïste de ne garder que pour soi. Le titre Anywhere But Where I am est tout à fait approprié puisque, en effet, le disque nous emmène vers un ailleurs. Un vol en aller simple vers des contrées étrangères, comme l’indique le passage de Flights à Foreign Fields. La pochette annonce un univers en phase avec la nature, en paix avec le monde extérieur. Et, pour cause, Eric Hillman et Brian Holl, à l’instar de Justin Vernon, se sont isolés une bonne partie de l’année 2011 dans un coin paumé du Wisconsin pour bosser sur leurs compositions. Anywhere But Where I am bénéficie d’une production haut de gamme et d’un son à faire pâlir certains groupes bien établis. Des harmonies vocales magnifiques se posent sur des mélodies folk contemplatives. Un séjour loin de la ville, de la monotonie de la vie citadine et de ses flux quotidiens. On ressent les influences assumées de Bon Iver ou de Radiohead mais Foreign Fields réussit à toucher juste en créant une atmosphère unique qui évoque les grands espaces et une certaine idée de la liberté. S’il devait y avoir un remake de Into The Wild, l’album pourrait en être la bande-son. Il y a, dans ce disque, du calme, de la profondeur et une formidable maîtrise musicale. La formation classique des deux musiciens n’y est pas étrangère mais cette perfection formelle est aussi le résultat de longues heures de travail sur les compositions et les arrangements. Anywhere But Where I am marque assurément le premier envol d’un groupe folk de haute voltige. Avec ce coup d’essai extrêmement réussi, le duo devrait bien vite trouver une oreille attentive du côté des maisons de disque. En tout cas, Foreign Fields, un nom à retenir, en espérant que cette fois, ce soit définitif…Deux extraits en écoute ci-dessous et, d’après mes infos, l’album sera bientôt de nouveau disponible en intégralité ici .
