Le groupe que les autres écouteront dans un an – Ep.81: Astrid Engberg

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Après l’article d’hier sur The Killing, je vous propose de poursuivre notre voyage au Danemark. Exploration musicale cette fois qui nous mène de nouveau à Copenhague, capitale et centre culturel du pays. C’est un exercice périlleux que de vouloir à toute force extrapoler sur l’âme d’un pays au regard de sa production musicale. La musique est un langage universel, insoumis aux frontières géographiques. Elle est, la plupart du temps, sauf peut-être (et encore!) dans le cas des musiques traditionnelles, le produit d’un brassage entre différentes cultures. C’est d’autant plus vrai aujourd’hui où nous vivons dans un monde de connexions qui permet d’un clic de souris d’accéder à des sons qui viennent de l’autre bout du monde. Pourtant, à y regarder de plus près, on s’aperçoit que des pans entiers de culture musicale font partie intégrante de l’identité d’un pays. Spontanément, nous associons tous le reggae à la Jamaïque, le tango à l’Argentine ou la bossa-nova au Brésil. De la même façon, la musique d’artistes contemporains comme Björk ou Sigur Ros est étroitement associée à l’âme islandaise. Ce n’est pas qu’une question de style ou de langue. C’est d’abord lié à la façon dont un univers musical va correspondre à la représentation que nous nous faisons d’un pays. Un Islandais associera-t-il Björk à l’âme islandaise? Peut-être pas mais, vu de l’extérieur, l’univers particulier de Björk et sa voix cristalline évoquent les paysages qui nous viennent à l’esprit lorsque nous pensons à l’Islande. Existe-t-il alors une identité musicale danoise? Difficile à dire. La dernière fois que j’avais consacré une chronique à un groupe danois, c’était pour présenter les bouillonnants néo-punk d’Iceage, adolescents révoltés qu’on imagine se réunir la nuit pour des concerts survoltés dans des squats ou des sous-sols crasseux. Au contraire, la musique d’Astrid Engberg, d’une beauté chirurgicale, inciterait plutôt à flâner en fin d’après-midi le long du canal du Nyhavn. Faut-il y voir deux faces opposées d’une même médaille? Le calme avant la tempête. La beauté froide et rentrée qui précède l’explosion de rage. Deux façons, peut-être de faire face au climat, en l’intégrant à son être ou en le rejetant violemment. En regardant The Killing, j’ai aussi ressenti cette même impression. Les personnages évoluent dans une douce torpeur pendant la journée et, la nuit tombée, les pulsions se déchaînent. 

La musique d’Astrid Engberg s’apparente à une promenade mélancolique au fil de l’eau. Elle ne cherche jamais à s’imposer avec force mais s’insinue lentement, calmement dans l’esprit de l’auditeur. Connue pour avoir prêté sa voix suave dans le cadre de diverses collaborations, notamment sur l’album du groupe Berry Weight, la jeune danoise a sorti en mai dernier son premier EP, Life Goes On, sur le label Phonosaurus. Un disque tout en douceur qui marque le lancement d’une série de quatre EP à paraître au cours de l’année. Évoluant sur des instrumentations jazzy assez minimalistes, Astrid Engberg nous offre une performance vocale de haute voltige. Entre fragilité contrôlée et puissance maîtrisée, elle confirme qu’elle est l’une des plus belles voix du moment. Mais ce qui séduit, c’est surtout sa capacité à composer un univers sonore à la fois intrigant et accueillant. Ses chansons sont comme des paysages dépouillés qui s’étendent à perte de vue. Là où certains noient l’auditeur sous une avalanche de notes, Astrid joue avec beaucoup de grâce sur les silences. La voix se balade comme une promeneuse légère et délicate qui marcherait sur la glace. Il s’installe un délicieux contraste entre les instrumentations feutrées et cette voix chaude à faire fondre la neige. Exercice d’équilibriste dont la demoiselle se sort avec brio. La musique, bien plus complexe qu’il n’y paraît de prime abord, s’apparente certes à du smooth jazz mais se nourrit aussi d’influences soul, hip hop, world, blues et classiques. Un métissage musical qui prend sa source aussi bien dans les racines scandinaves d’Astrid que dans les impressions glanées au cours de ses nombreux voyages à travers le monde. Life Goes On est une porte d’entrée idéale dans l’univers de cette jeune artiste très prometteuse. Sans doute le début d’une belle histoire…

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