Où il est question de géant vert, de voix de sirène, de Peter Sagan et de rêve éveillé…
Dans la monotonie rectiligne du parcours de Richmond, Virginie, un homme, seul un homme pouvait briser l’ennui d’une course verrouillée. Dans une ultime fulgurance, un homme, seul un homme – celui-ci et pas un autre – pouvait émerger en soliste du peloton bigarré.
Sur le bord des routes, on le voit de loin. Les spectateurs le reconnaissent et l’acclament. Regardez, le voilà. Encore à l’attaque, le bougre. Au diable les consignes et les oreillettes. Triompher sans gloire, à quoi bon ? Lui, il veut bouffer de l’asphalte. Des kilomètres en tête, tous derrière et lui devant.
Dans la monotonie rectiligne du parcours de Richmond, Virginie, un homme, seul un homme pouvait devenir champion du monde. Cet homme, c’est Peter Sagan. A le voir exulter, devant mon poste de télévision, je me demande comment il fait pour être aussi cool quand les autres ressemblent à des robots. Quelle est donc sa musique ?
Par-delà les frontières et les murs du son, je m’évade, direction la Slovaquie. Je me laisse porter par le vent jusqu’à ce qu’une voix de sirène m’interpelle dans une langue inconnue. Je ne comprends pas les mots, bien sûr, mais je suis attiré comme par un aimant. Les mots étrange(r)s voguent dans l’air, naviguent sur un calme océan de beats subtils et de cordes sensibles. Et c’est beau. Et je me sens léger, léger, léger.
Cette voix qui me happe, c’est celle de Nora Ibsenová, la chanteuse du projet Fallgrapp. A l’image de l’intro de Ľadový útes, la 6ème piste de l’album Rieka, elle me fait régulièrement quitter la terre ferme. Il y a le chant, évidemment, mais la production est à l’avenant, complexe et sophistiquée. Il est clair que de bonnes fées se sont penchées sur ce disque. En associant musiques du monde et electronica contemporaine, le producteur Juraj “Jureš” Líška réussit un tour de force. Rieka initie le mélomane globe-trotter aux mystères d’une Slovaquie survolée en apesanteur, comme dans un rêve éveillé. Si ce sont les mélodies-là qui trottent dans la tête de Peter Sagan, alors je ne m’étonne plus de le voir voltiger dans la montée finale du circuit de Richmond, Virginie.