Mes vinyles qui craquent – Ep.1: Chris Isaak – Silvertone

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Si vous m’aviez parlé de Chris Isaak, il y a quelques semaines, je vous aurais très certainement répondu que je m’en foutais comme de l’an 40. Si, pas complétement refroidi par mon accueil glacial, vous aviez continué à me vanter les mérites du rocker californien, je vous aurais sans doute rétorqué, d’un ton peu amène, que j’avais à peu près autant d’intérêt pour Chris Isaak que pour les varices de votre grand-mère.  Et si, en dépit du bon sens, vous aviez persisté dans votre entêtement, je vous aurais une bonne fois pour toutes cloué le bec en vous martelant que vous pouviez tout aussi bien aller vous brosser plutôt que de me casser les noises avec votre chanteur gominé pour midinettes pré-pubères. Comment peut-on être con et borné à ce point? Je me le demande encore. Et là, c’est de moi que je parle, pas de vous! Bon, j’ai bien ma petite idée sur le sujet. Premièrement, lorsque Chris Isaak était au meilleur de sa forme, c’est-à-dire grosso modo la deuxième moitié des années 80, j’usais encore mes culottes courtes sur les bancs de l’école communale. Deuxièmement, le seul souvenir que j’avais conservé du crooner américain, c’est celui du clip de Wicked Game. Souvenir d’autant plus vague que, dans mon esprit embrumé, la musique de Chris Isaak passait au second plan, loin derrière la beauté sans faille d’Helena Christensen à demi-nue sur la plage. Tous les ados pré-pubères de l’époque vous le diront: c’était quand même autre chose que les pages lingerie de la Redoute…

Et puis, il y a quelques temps, Chris Isaak s’est rappelé à mon bon souvenir. Chez des amis d’abord, en bande-son apéritive. Puis, plus récemment, dans le Dictionnaire amoureux du Rock d’Antoine de Caunes. Qu’autant de personnes de bon goût se fassent de fervents zélateurs du californien gominé ne pouvait assurément me laisser insensible. Il fallait que j’aille vérifier si quelque chose m’avait échappé. Et me voilà qui court chez le disquaire le plus proche, en quête de 33 Tours de Chris Isaak. Le seul qui soit disponible est le premier album du tombeur de ces dames, Silvertone. Sur la jaquette, Chris, moue boudeuse et chevelure, comme toujours, impeccable. Soit. Je repars avec l’objet sous le bras, rentre chez moi, subit les foudres de ma bien-aimée pour avoir traîné un peu plus longtemps que prévu chez le disquaire, et place finalement le 33 Tours dans la platine.

Dès les premiers tours du disque, je découvre, effaré, que je me suis trompé sur toute la ligne. Chris Isaak avait une vie avant le succès planétaire de Wicked Game et les mots doux susurrés à l’oreille d’Helena Christensen sur une plage abandonnée. Bien sûr, il y a cette voix profonde et caverneuse, qui a dû faire transpirer plus d’une culotte adolescente. Mais ce qui frappe en premier lieu dans Silvertone, c’est l’authenticité qui se dégage du disque. Alors que la new-wave bat son plein, se réclamer au beau milieu des années 80 d’Elvis Presley ou de Roy Orbison, voilà qui ferait s’étouffer plus d’un conseiller en marketing musical. Mais Chris Isaak, lui, n’en a cure. Il suit sa voie sans se poser de questions, guidé par sa seule inspiration. Et par une schizophrénie qui fait aussitôt s’effondrer le mythe du chanteur à midinettes. Chez Isaak, les petites bluettes sentimentales s’accompagnent toujours d’un inquiétant sentiment de malaise qui confère à sa musique toute son originalité. Pas étonnant que David Lynch ait succombé au charme dévasté et dévastateur de Chris Isaak et ait intégré des titres du crooner californien dans les bandes-son de Sailor & Lula et de Blue Velvet. En tout cas, Silvertone a été le remède parfait pour me réconcilier avec Chris Isaak. Il faut, paraît-il, écouter aussi les deux albums suivants pour découvrir le véritable Chris Isaak, beaucoup plus complexe que l’image de rocker romantique à laquelle on le cantonne souvent. Promis, je m’y mets dès demain…

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