Je me souviens des vacances d’été, quand j’étais enfant, dans le Pas-de-Calais. On ne partait pas mais ça m’était bien égal.
En juillet, je regardais les étapes du Tour de France. J’étais capable de reconnaître les coureurs avant les journalistes, rien que sur les vues d’hélicoptère. J’en ratais pas une miette. Ce truc pour le vélo, je l’ai hérité de mon père. Une année, il nous a traînés, dans la vieille Simca 1100 rouge, à toutes les courses cyclistes de la région. Autant dire que j’en connaissais un rayon. Encore aujourd’hui, essaie un peu de venir m’emmerder pendant une ascension de col hors catégorie…
Et puis, en août, les vraies vacances commençaient. Tous les matins, on partait pour revenir avant la tombée de la nuit. Chaque année, on explorait un peu plus loin, à croire que le paternel traçait un cercle de plus en plus large sur son atlas routier. A ce train-là, il nous a pas fallu longtemps pour franchir la frontière belge. Bruges, Mont Kemmel, Ypres, Poperinge, La Panne, Ostende… mes souvenirs d’enfance résonnent encore de ces noms exotiques.
A peu près au même moment, de l’autre côté de la frontière, Frank De Vos tombe amoureux d’une jeune fille au pair, rêve de la France et de ses belles romances, se nourrit de Gainsbourg, de Brel, de Brassens, d’Adamo. Alors, qu’importe si le Français n’est pas sa langue maternelle, Frank, le Flamand, choisit de chanter l’amour dans la langue de ses idoles.
Accompagné du multi-instrumentiste Roeland Vandemoortele, le Gantois passe un grand coup de belgitude sur la chanson française. Les ritournelles pop du duo fleurent bon l’humour léger de ceux qui sourient même quand les trains déraillent. Sur fond de mélodies sucrées-salées et d’harmonies bricolées sur des instruments-jouets, Mon Réal chante l’amour dans tous ses états d’âme.
Mon Réal, c’est de la pop qui voit plus loin que le bout de son nez et assume pleinement ses envies d’ailleurs. Au diable les complexes. Ici, on raconte L’histoire de l’amour sous toutes les coutures. Là, on rhabille pour l’hiver la Chanson d’automne de Verlaine. Ailleurs, on reprend, avec une délicate désinvolture, le Tombe la neige de Salvatore Adamo. Le tout dans un savant mélange de mélancolie et de malice qui donne au duo son charme unique et reconnaissable. Avec des albums comme Salmigondis, c’est sûr, la chanson francophone a encore de beaux jours devant elle.