En français dans le texte : Robi

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Ça ne vous aura pas échappé : aujourd’hui, c’est la Saint-Valentin. Célibataires, vous pouvez tout de suite vous suicider. Cette journée n’est pas faite pour vous. Vous devriez avoir honte, âmes solitaires qui, n’achetant pas de roses, ralentissez le redressement productif de notre belle nation. Un célibataire en vie, c’est un fleuriste qui se meurt. C’est un restaurateur qui se lamente pendant que vos âmes sans sœur s’empiffrent de barquettes micro-ondables. Si vous avez la chance d’être amoureux, et aimé en retour, surtout faites-le savoir. Consommez des preuves matérielles de vos sentiments. Communiquez. Dites “Je t’aime” en tournant sept fois votre langue dans sa bouche. Demain, vous pourrez la renvoyer à la vaisselle et au repassage pendant que vous regarderez un match de foot avec vos copains. Mais ce soir, soyez romantique. Une fois par an, ce n’est pas trop demander quand même. Faites lui sa fête. Dans quelques heures, vous pourrez redevenir un gros connard mais, en attendant, il va falloir assurer. Dîner en tête à tête, et pièce bien montée en dessert. Allez, encore un petit effort. De toute façon, vous ne risquez rien. On ne meurt plus d’amour. Ce n’est pas moi qui le dis. C’est Robi.

Et c’est d’ailleurs sur ce constat amer, qui renvoie tous les Roméo et Juliette se rhabiller, que commence son premier album. Voilà qui annonce la couleur. Ce sera du noir et blanc. Tout est raccord, du titre, oxymore quasi parfait : L’Hiver et la Joie, à cette pochette qui n’en finit pas de me hanter. Est-elle en train d’émerger ou est-ce qu’elle se noie ? Très intelligemment, l’album ne tranche jamais cette question. Atmosphère oppressante matérialisée par une basse omniprésente. Apnée musicale où la voix agit comme une trouée d’air pur salvatrice. Le disque oscille entre ombre et lumière, faisant renaître les fantômes cold-wave du passé. La nuit, la solitude, l’amour noir y tiennent une large place et pourtant, à défaut d’être hospitalier, l’univers de Robi laisse quand même transparaître, parfois, la lumière. A l’inverse de Lescop qui, dans un registre similaire, avait fait naufrage, Robi peuple de son empreinte vocale ces mélodies minimalistes. Comme si, sous la mélancolie, le bonheur était (presque) à portée de main. C’est, à mon sens, cette dualité, exprimée dans des textes excellents, qui fait la force de L’Hiver et la Joie. Voilà un disque qui méritera sans doute plusieurs écoutes avant de libérer tous ses arômes. C’est en tout cas l’acte de naissance d’une artiste détonante dans le paysage français. Mariage fascinant d’atmosphères obsédantes et sensuelles et d’une écriture cinglante et poétique, L’Hiver et la Joie pourrait bien, longtemps encore, être le complice de vos nuits solitaires.

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