J’ai entendu : Anakronic Electro Orkestra – Noise in Sepher

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A ceux qui me reprochent, suite à une chronique récente, de ne pas reconnaître l’ambition là où elle est, de manquer d’ouverture d’esprit et de ne pas assumer mes goûts musicaux, au seul motif que je ne partage pas les leurs, j’espère, même si j’en doute fort, que vous aurez au moins la curiosité de vérifier vos jugements à l’emporte-pièce en consultant d’autres articles que celui qui vous a tant offusqué. Puisque nous sommes tous d’accord pour affirmer que la qualité d’un disque ou d’une œuvre culturelle, quelle qu’elle soit, ne se mesure pas à sa popularité ou au buzz soigneusement alimenté qui l’accompagnent, revenons, si vous le voulez bien à ce qui nous intéresse : la musique. 
J’écoute énormément de musique et la curiosité qui m’anime me conduit à de merveilleuses découvertes. Les plus belles sont aussi souvent les plus inattendues, celles qu’un enchaînement de causalités fortuites a placées miraculeusement sur mon chemin. Explorateur infatigable, après un nombre incalculable de détours, de fausses pistes ou d’impasses, après plusieurs heures d’errance, tiraillé par ma soif de découverte, j’atteins enfin des rivages accueillants, des contrées luxuriantes dont je ne soupçonnais pas même l’existence. Le bonheur, j’en suis convaincu, est dans l’imprévisibilité. Il est là où on l’attend le moins, dans d’improbables mélanges, dans la fusion des styles, hors des modes et hors du temps, partout et ailleurs. La beauté est extraordinaire, exaltante. Elle n’est pas dans la redite, elle est dans la réinvention. Elle est chez Anakronic Electro Orkestra.

Unissant hier, aujourd’hui et demain dans un même tourbillon sonore, Anakronic Electro Orkestra invente la musique klezmer du troisième millénaire. Avec leur nouvel album, Noise in Sepher, les cinq Toulousains prouvent que la meilleure marque de respect envers la tradition, c’est encore de la bousculer dans ces certitudes, de la défiger, de la triturer, de la passer au prisme de la modernité la plus actuelle. En s’appropriant le répertoire Yiddish et en l’emmenant hors de ses frontières habituelles, ils lui rendent le plus bel hommage qui soit. Noise in Sepher est le reflet d’une culture en mouvement, capable de s’adapter à de nouvelles techniques et à un environnement changeant. Bringuebalée entre rock furieux ou progressif, techno ou encore hip hop, dubstep ou drum’n’bass, la musique klezmer est soumise à un électro-choc dont la conséquence première est d’en faire ressortir le côté festif et dansant. AEO ne se contente pas de dépoussiérer le passé, il en invente un nouveau à grands renforts de loops, de samples et de rythmiques percutantes. Rarement le mariage de l’acoustique et de l’électronique n’aura été aussi jubilatoire. Noise in Sepher est un tour de force, une tornade musicale unique et frénétique qui emporte l’auditeur vers des contrées lointaines ou fantasmées. C’est un hymne aux chocs culturels, aux rencontres qui enrichissent, auquel se sont joints le clarinettiste David Krakauer ou la rappeuse Taron Benson. AEO réussit à construire un édifice hypnotisant, complexe et explosif du haut duquel plusieurs siècles nous contemplent. Une grosse claque. Et ça fait du bien.

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