J’ai entendu : Babx – Cristal automatique (Tome 1)

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Photo : Julien Mignot

Où il est question de matins étoilés, de mots encanaillés, de grands esprits qui se rencontrent et d’orgasmes musico-poétiques…

En plein cœur d’une nuit brillant de mille soleils, je rêve à nos corps sans armure sur des lits de velours. Ensemble, nous allons et venons au gré du tic-tac des horloges. En fin de conte, à bout de souffle, tu t’évanouis vers des matins étoilés. Au petit jour, je ne suis plus que gueule de bois, éclats de rêves brisés, et les mots pour le dire.

On me traite de poète mais, moi, la poésie, je ne sais pas ce que c’est. Des mots qu’on empile, qu’on empoigne, qu’on encanaille avec un malin plaisir, au rythme d’un cœur qui bat toujours trop vite ? Tout ça pour qui, pour quoi ? Mourir d’ennui au fond d’un livre poussiéreux ?

Moi, je veux vivre dans la bouche d’un autre. Je veux être un souffle, un murmure ou un cri. Je veux mordre des oreilles, éclater des tympans. Donnez-moi des lèvres, un corps, un regard. Donnez-moi des cheveux fous, des doigts qui courent sur les touches d’un piano, une voix pour rire, chialer, invectiver, caresser, exulter. Hey, toi, le chanteur, chante-moi.

Le chanteur, d’abord, s’interroge, pèse le pour et le contre. Comment l’incarner sans la trahir, cette poésie qui me fait de l’œil ? Épineux dilemme. La poésie est une femme qu’on aime mais qu’on ne possède pas, c’est un océan qu’on admire autant qu’on le craint. Comment les faire résonner, ces mots que d’autres, avant moi, ont enfantés ? L’équilibre est précaire. Un seul pas de côté, et c’est la chute assurée. La poésie chantée est une danse qui ne tolère pas l’erreur.

Il en aura fallu, passez-moi l’expression, des couilles, et peut-être un grain de folie aussi, pour se lancer dans une telle aventure. Mettre en musique des textes de Baudelaire, Rimbaud, Genet, Kerouac… sans abdiquer sa personnalité, sacrée gageure ! Et pourtant, Babx s’en tire avec justesse et panache.

En guise de mise en bouche, Cristal automatique s’ouvre sur la rencontre de quelques grands esprits. Cette phrase, comme un leitmotiv – est-ce Prévert qui parle ? – “Moi, la poésie, je ne sais pas ce que c’est”, à laquelle d’autres poètes viennent faire écho, donne le la. S’ensuit une hallucinante interprétation du Bal des Pendus de Rimbaud, valse macabre dans laquelle la voix endiablée Babx nous entraîne à notre corps défendant.

D’autres sont convoqués, auquel le musicien prête son souffle : Baudelaire, Genet, Kerouac, Waits, Gaston Miron, que je découvre avec délices et, quand la boucle semble bouclée, Aimé Césaire et son Cristal Automatique, dont Babx exalte les saveurs africaines.

Quelques orgasmes musico-poétiques plus tard, je la tiens enfin, ma réponse : la poésie, ce ne sont pas (que) des mots. Non, la poésie, c’est aussi de la musique.

Si vous êtes chanceux, parisien, ou les deux, précipitez-vous à la Maison de la Poésie le 22 avril prochain pour la sortie de l’édition limitée. Sinon, prenez votre mal en patience et (re)plongez-vous dans la très recommandable discographie de Babx. En vous attendant, moi, j’y retourne…

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