J’ai entendu : FKA Twigs – LP1

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Où il est question de révolutions, de poupée de porcelaine, de ver dans le fruit et de diva 3.0…

On était parti en se disant que c’était l’été, que, de toute façon, on pouvait se barrer tranquille, rien ne se passerait. Les pieds dans l’eau, on coulait des jours heureux sans regarder dans le rétroviseur. On se faisait une place au soleil sans guère se soucier de la planète et de ses révolutions.
On procrastinait. On verra plus tard. Il sera toujours temps à la rentrée. Voilà ce que l’on se disait, alors que, sans attendre nos petites personnes, les astres poursuivaient leur course. Quelque chose était en marche, depuis plusieurs mois déjà – quelque chose de grand – mais on avait le dos tourné et les oreilles ailleurs quand celle que l’on appelait Twigs sortait son premier album.
La chose s’appelait LP1 et venait après deux EPs fort prometteurs, justement intitulés EP1 et EP2. C’était l’oeuvre d’une jeune femme à la silhouette gracile et aux grands yeux de biche. Sur la pochette, Tahliah Barnett, aka FKA Twigs, posait, poupée de porcelaine au regard d’enfant perdu dans ses pensées. A ceux qui ne veulent pas voir, cette pochette évoquera perfection et innocence quasi surnaturelles. Les autres s’attarderont sur ces marques rouges dont le visage de Tahliah est couvert. Ceux-là seront pris d’un malaise indéfinissable. Ils auront tout compris à la véritable nature de FKA Twigs.
The Weeknd avait déjà introduit le ver dans le fruit trop mûr du R’n’B – faisant de cette musique, a priori cantonnée aux dancefloors, un obscur objet du désir, aussi malsain que sexualisé. FKA Twigs poursuit cette exploration. On dirait qu’elle minaude, on lui donnerait le bon dieu sans confession mais Preface pourrait tout aussi bien s’appeler Préliminaires et le refrain de Lights On est suffisamment explicite. La jeune femme tisse sa toile lentement, expose ses fragilités avec une totale confiance. LP1 est un album de flux et de reflux permanent, de constant va-et-vient, un disque qui transpire la sensualité par tous les pores. Une sensualité bizarre, tordue, suffocante, parfois à la limite de la claustrophobie, comme celle d’une enfant qui aurait grandi trop vite.

En diva 3.0, FKA Twigs n’hésite pas à bousculer les codes pour à construire des ponts entre le passé et le futur. En exprimant de manière ultra-sophistiquée des émotions de jeune femme intemporelles, elle signe avec LP1 une entrée remarquable dans la cour des grandes. Même en vacances, on se serait mordu les doigts de passer à côté de ce qui restera sans doute comme l’un des disques les plus impressionnants de l’année.

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