J’ai entendu: Lawrence Arabia – The Sparrow

Browse By

Quand l’ennui pointe le bout de son nez, quand s’installent la routine et la monotonie, quand, assis à mon bureau, j’entends la pluie cogner contre les vitres, quand la ville silencieuse et endormie n’est plus pour moi qu’un théâtre d’ombres ou un décor de pacotille, quand les petites ambitions que je poursuis malgré moi, même à corps défendant, ne sont que des miroirs aux alouettes, quand mes désirs ne m’appartiennent plus mais se vendent et s’achètent à la sauvette, quand je prostitue tous mes rêves d’enfance pour un salaire dérisoire, quand je deviens ce que je ne suis pas ou quand je ne suis pas ce que je voudrais être, quand je me sens usé, déplacé, perdu, hors d’usage, quand j’ai des envies d’ailleurs, quand j’ai besoin de me sauver, d’être sauvé, alors, sans trop savoir pourquoi, je pense à cette terre étrange et lointaine, à ce pays sauvage et insulaire qu’on appelle Nouvelle-Zélande. Je n’y ai jamais mis les pieds, je n’en connais rien d’autre que les cartes postales ou les brochures en couleurs de l’office national du tourisme. Peut-être que c’est juste l’envie d’être loin et ailleurs qui me guide. Rien de plus. Peut-être. Et, pourtant, il me semble qu’il y a autre chose. Une force mystique. Une sorte d’élan surnaturel. Quelque de fort, une sensation à la fois tenace et indescriptible qui me pousse à me jeter dans les bras du premier Néo-Zélandais venu. Après avoir totalement succombé à Connan Mockasin, voilà que ma route vient de croiser celle de Lawrence Arabia, de son vrai nom James Milne. Bien que faisant tous les deux partie d’un super-groupe appelé Barb (j’en reparlerai), Lawrence Arabia est musicalement assez éloigné des élucubrations doucement foldingues de son compatriote. Là où Mockasin invente un univers unique et personnel, James Milne est davantage l’héritier d’une tradition pop qu’il magnifie grâce à une élégance et une richesse stylistique hors du commun.
The Sparrow  illustre à la perfection la différence qu’il peut y avoir entre un honnête album pop et un excellent album pop. Quand on est, comme moi, un grand consommateur de musique, il n’est pas toujours évident, faute de temps, de revenir plusieurs fois vers un même disque. Il faut apprendre dès les premières écoutes à séparer le bon grain de l’ivraie. Je ne prétends pas avoir la science infuse et être à l’abri d’une erreur de jugement. Il m’arrive de me fourvoyer dans les grandes largeurs. Néanmoins, avec un peu de pratique, j’ai affiné mon oreille et j’ai appris à me fier à mon instinct. Ce que je peux dire aujourd’hui, c’est que les bons album pop, ce sont ceux qui entrouvrent les portes, ceux qui ne dévoilent que le minimum à la première écoute, ceux que vous écoutez une fois et qui, quelques heures plus tard, reviennent vous hanter jusqu’à ce que vous succombiez de nouveau. De la même manière que vous vous lasseriez vite d’une femme qui dévoilerait ses charmes sans retenue ni pudeur, vous jetteriez rapidement aux oubliettes un disque qui n’aurait déjà plus rien à offrir au bout de deux écoutes. Je dois en être à une demi-douzaine avec The Sparrow et je ne sens aucune lassitude me guetter. Au contraire, le plaisir est à chaque fois non seulement renouvelé mais décuplé. De nouvelles richesses, des arrangements qui m’avaient auparavant échappé viennent ajouter une touche supplémentaire à mon bonheur. On sent bien que James Milne a le goût des belles choses. The Sparrow réussit le tour de force d’être à la fois intimiste et luxuriant, inspiré des années 60 mais en même temps d’une étonnante modernité. Imaginez un trio John Lennon, Paul Mc Cartney et Ray Davies, le tout avec des arrangements de Serge Gainsbourg, et vous aurez une idée assez précise de ce dont Lawrence Arabia est capable. Personnellemnt, je suis sous le charme…

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Afficher les boutons
Cachez les boutons