J’ai entendu : Mama Rosin – Bye Bye Bayou “Director’s Cut”

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Une fois, j’ai franchi la frontière suisse. Pas deux. Je suivais bêtement la voix suave et féminine de mon guide par satellite quand, tout à coup, sorti de nulle part, j’aperçois un poste de douane. Plus habitué à enjamber le Pont des Deux Rives ou à traverser le Grand-Duché et le plat pays, j’ignore superbement ce vestige du passé. L’idée de frontière ne me dit rien qui vaille. J’appuie sur l’accélérateur et fais crisser mes pneus sur l’asphalte helvète, ignorant les obligations autoroutières locales. Bercée par le ronron du moteur, ma compagne roupille paisiblement, belle au siège passager dormant. En guise de baiser, je lui lance un fougueux “Merde, on est où, là ?” qui reste sans réponse. Quand on est assis à la place du mort, le meilleur moyen de ne pas se faire pourrir, c’est encore de fermer les yeux et de pioncer, ou de faire semblant. Une dizaine de minutes et quelques hectomètres de bitume helvétique plus tard, le siège de droite me dévisage avec un air d’autoroute et vocifère : “Mais qu’est-ce qu’on fout en Suisse ? T’as encore suivi bêtement ton GPS ! On va se choper une amende salée, passer la journée en taule, subir un interrogatoire musclé, une fouille rectale, une ablation des reins, et être reconduits manu militari à la frontière”. Une demi-heure plus tard, nous arrivons, sains et saufs, de l’autre côté de la ligne rouge, dans le gîte de vacances de mes parents. Pas vus, pas pris. Nous n’avons finalement pas croisé la route des forces de l’ordre. Pas non plus la moindre trace d’un bayou.

A écouter en boucle Mama Rosin, j’aurais pourtant juré, sur le dentier de mes aïeux, que le lac Léman était infesté d’alligators aux dents longues. Je faisais fausse route. Mais, à ma décharge, pour mieux brouiller les pistes, le trio originaire du Carré d’Amont mélange le français et l’anglais, l’accordéon et les guitares électriques, et chante en roulant les r dans la poussière. Leur musique est un défi permanent à la géographie. Si on m’avait dit que cet été, c’est de l’autre côté de la frontière suisse que je trouverais le dépaysement le plus total, j’aurais sans doute ricané. J’aurais eu tort. Comment en vient-on à jouer la musique des marécages lousianais au bord du lac de Genève ? Je n’en sais rien mais ce qui est sûr, c’est que ce Bye Bye Bayou “Director’s Cut” assume pleinement ses envies d’ailleurs et nous en fait voir de toutes les couleurs. Ami lecteur, avec Mama Rosin, prépare-toi à troquer ton costard-cravate contre des bottes d’aventurier. Bye Bye Bayou est un “life-changing” album. En insufflant au zydeco blues louisianais une énergie rock crade et saturée, le trio suisse offre une expérience unique et inoubliable. Bien dégagée autour des oreilles, cette “coupe du directeur”, permet de tirer le meilleur du travail des helvètes. Pas étonnant quand on sait que le directeur en question n’est autre que Jon Spencer, spécialiste ès explosions blues. L’Américain réussit le tour de fore de magnifier le répertoire de Mama Rosin sans perdre la moindre goutte de leur énergie brute. C’est juste hénaurme. Allez. J’y retourne…

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