J’ai entendu : Marching Church – This World Is Not Enough

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Où il est question de mots dits, de jeux d’enfant, de sanctuaire et de dieu autoproclamé…

Les mots. Les maux. Les mots dits. Les mots tus et bouche cousue. Dans ma tête, les mots se bousculent. Si je parle peu, ce n’est pas par manque d’imagination. C’est parce que je sais le poids des mots. Je me méfie des gens qui parlent trop. Souvent, ceux-là n’ont rien à dire. Gonflés comme des baudruches, ils bernardhenri-lévitent sous les lumières des projecteurs. 

Les mots dits s’échappent et vivent leur vie, loin de leur géniteur. Souvent, ils s’en vont mourir dans une oreille lasse, ils tombent dans l’oreille d’un sourd. Mais, parfois, ils vous reviennent comme des boomerangs. Tout ce que vous direz pourra être retenu contre vous. Alors, je laisse les mots laids aux gens bêtes. Les mots sont trop précieux pour être gâchés.

Les mots sont faits pour être joués, assemblés comme des puzzles, remontés, démontés comme des Lego. Ce sont des jeux d’enfants auxquels les adultes ne comprennent rien. Les adultes pourrissent tout ce qui est beau. Alors, je me construis un refuge à l’abri de leurs manigances. Je deviens une cathédrale de mots ambulante.

Marching Church, le nouveau projet d’Elias Ronnenfelt, a aussi des allures de sanctuaire. Le leader d’Iceage y jette en pagaille ses convictions, ses doutes, ses angoisses et ses obsessions. Il ne prend même pas la peine de les polir. La façon dont il s’exprime a quelque chose de brut, de sauvage. Les mots sont crachés, aboyés, gémis. Davantage expulsés par le corps que dits par la voix.

Marching Church. Une église en marche. Un lieu de culte à Ronnenfelt lui-même, dieu autoproclamé, comme en atteste ses paroles : “I’m still being convinced that I contain some kind of god-like charm” ou “People will die for me, fantasize about me”. Là où certains ne verront qu’arrogance, je vois l’expression d’une sincérité exacerbée, prête à s’enflammer corps et âme, trop vibrante pour concéder quoi que ce soit au politiquement correct. Je vois la poésie et le rock.

A un individu comme Ronnenfelt, le monde ne suffit pas. Il faut en bâtir un autre, avec des cendres, du sang, des larmes, du souffle et des mots. Le Danois ressemble à un ange déchu dans un royaume pourri. This World Is Not Enough est un édifice aux abords tortueux et à l’architecture tourmentée. Beaucoup s’y perdront. Ceux qui préfèrent l’ordre à la démesure, ou la rationalité à la poésie ne trouveront pas la clé. Mais ceux qui accepteront un instant de se brûler, de se tenir au bord du précipice, ne le regretteront pas.

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