J’ai entendu : Redeye – The Memory Layers

Browse By

Où il est question du jour où tu es né, du jour où je t’ai rencontrée, d’un vélo bleu clair et de longues lignes droites…

Je me souviens, je me souviens très bien du jour où tu es né. Nous n’arrivions pas à dormir, ta mère et moi. Nous n’osions pas fermer les yeux. Ça va te sembler idiot mais nous avions peur de te rater. Comme si tu pouvais faire demi-tour. Nous voulions tant que tu sois fier de nous, que tu nous aimes comme nous te chérissions déjà, toi qui n’étais pas encore là. Quelques heures plus tard, je te tenais dans mes bras, petit homme. Au bout de la nuit blanche, le ciel bleu et les yeux rouges.

Je me souviens, je me souviens très bien du jour où je t’ai rencontrée. La fête battait son plein et je n’étais là pour personne. A contrecœur, j’essayais de caler mes pas sur le rythme abrutissant d’une musique qui ne me sauverait pas. Une bouteille à la main, un joint dans l’autre main, je ne t’attendais pas et tu es arrivée. Au bout de la nuit blanche, le brouillard s’est dissipé. Mes yeux rouges se sont noyés dans tes yeux bleus.

Je me souviens, je me souviens encore de ce vélo bleu clair que mes parents m’avaient offert. Je devais avoir six ou sept ans, je crois. Je me voyais déjà dompter les pentes raides des cols pyrénéens, décrocher un à un mes plus vaillants adversaires et franchir victorieux la ligne d’arrivée. Ce que je voyais moins, c’est la poubelle du voisin venue contrarier mon triomphe. Au bout de la ligne droite, adieu le maillot jaune. Bonjour les yeux rouges et les genoux aussi.

Les souvenirs s’empilent, couche après couche, et racontent une histoire, mon histoire, que j’effeuille page après page, disque après disque. Car, au fond, il n’y a rien d’autre à raconter. Qui que l’on soit, quoi qu’on en dise, on parle toujours de soi. On ne se souvient jamais des souvenirs des autres. Et les Memory Layers de Redeye n’échappent pas à la règle.

De son enfance américaine, il a conservé l’ivresse des grands espaces. Ses chansons avancent à perte de vue vers le soleil déclinant. Son Amérique à lui, c’est un gamin qui court à perdre haleine avant de se rouler dans l’herbe, c’est une fille qui danse le soir sur le parking d’un centre commercial. C’est celle de ces gens heureux qui rendent un peu meilleur le chemin vers demain. Un sourire, une main tendue à celui qui voyage, la chance qui sourie à ceux qui osent y croire. Si Redeye a les yeux rouges, c’est sûrement à force de regarder le soleil d’un peu trop près.

The Memory Layers a le goût des joies simples, la fraîcheur des instantanés et, en même temps, la sophistication d’un travail d’orfèvre, sans aucune place pour le hasard. Ici, pas de détours inutiles. Redeye trace son chemin sur de longues lignes droites bordées d’une végétation luxuriante. On regarde par la fenêtre les paysages qui défilent au gré de ses souvenirs. Arrivé au bout, on se dit que le voyage est passé bien vite et on est prêt, déjà, à reprendre la route.

 

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Afficher les boutons
Cachez les boutons