J’ai entendu : Swann – Show Me Your Love EP

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Enfant, j’avais un livre illustré des Fables de La Fontaine. Je les lisais chaque jour avant d’aller me coucher et je m’endormais chaque nuit, un peu plus sage que la veille. Parmi ces fables, La Poule aux Oeufs d’Or est l’une de celles qui marquaient le plus mon esprit d’enfant. Difficile pour un gosse de comprendre la tempérance, l’attente plutôt que le tout tout de suite au risque de tout perdre. Apparemment, à la rédaction des Inrocks, on n’a pas lu La Fontaine. Je sais bien qu’il faut vendre du papier, être copain avec les maisons de disques pour avoir des places de concerts gratuites et autres menus avantages. Mais, à la lecture de certains articles où les chroniqueurs font des ronds de jambe à n’en plus finir à des artistes qui n’en demandaient certainement pas tant, on est en droit de s’interroger. Les cas Lou Doillon et Lescop relevaient déjà de la pathologie. Aujourd’hui, ils remettent ça avec Swann, une illustre inconnue, tout à fait charmante sans doute, mais qui sans avoir encore rien prouvé, et sur la seule base de quatre titres, se voit propulsée l’égale (et même supérieure) de Cat Power. A trop vouloir dénicher la perle rare, ça finit par être tout simplement grotesque. Une note de 5/5 qui devrait être réservée aux chefs-d’oeuvre absolus, on croit rêver. A moins que l’auteure de l’article soit amoureuse de la chanteuse et qu’il s’agisse d’une technique de drague, certes malhabile mais excusable, on est quand même en droit de se demander, si, en tant que lecteurs, on ne nous prend pas pour des jambons.
Ce n’est pas que le disque soit mauvais. Au contraire, les quatre titres sont très beaux et laissent présager d’indéniables qualités chez Swann. Il y a de la grâce, de l’élégance, un joli brin de voix. Mais enfin, comparer une artiste à peine sortie de son oeuf à Nico, Lou Reed, Cat Power et Patti Smith rien que dans la première phrase, c’est un peu fort de café. Surtout pour finir par citer Lou Doillon et Carla Bruni en exemples de grandes voix blues de notre temps. Là, on se dit qu’on nage en plein relativisme culturel. Tout se vaut et il n’y a plus de distinction entre les torchons et les serviettes. C’est bien dommage pour Swann que l’article, au vu des réactions qu’il suscite, aurait plutôt tendance à desservir. Elle fait preuve d’un talent naissant mais encore très perfectible. L’émotion et la signature vocale sont là mais un peu plus de nuances seraient souhaitables. Il y a des moments où elle devrait envoyer et on a l’impression qu’elle retient les chevaux et, à d’autres moments, au contraire, alors qu’un peu plus de fragilité serait la bienvenue, le chant reste scolaire et appliqué. S’il suffisait de quatre titres pour devenir « souveraine de la folk », on changerait de reine toutes les semaines. Le vrai génie dans un style musical aussi galvaudé, c’est de durer et d’être capable de sans cesse se réinventer. Laissons à Swann le temps d’éclore, de cultiver son univers et de grandir sans lui imposer d’emblée cette pression délétère. Alors peut-être deviendra-t-elle un jour cette reine tant souhaitée par les Inrocks. Pour l’instant, elle n’est qu’une petite princesse dans un palais de papier… Et c’est déjà pas si mal.

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