J’ai interviewé : Astrid Engberg

Browse By

Il n’y a pas si longtemps, on était resté bouche bée devant la beauté froide et délicate du premier EP d’une jeune chanteuse danoise, Astrid Engberg (cf Le groupe que les autres écouteront dans un an – Ep.81). Life Goes On donne en effet à entendre une nouvelle voix sur la scène internationale. Une voix belle et puissante imprégnée de l’âme nordique, de voyages autour du monde et des tragédies de la vie. Dans une interview riche en émotions, la jeune femme se confie à nous et nous raconte comment, à un moment, la musique lui a sauvé la vie…

Photo de Flavien Prioreau

Quels sont tes premiers souvenirs musicaux?

Ma mère qui chante pour m’endormir. Mon père qui danse avec moi dans le salon au son du West Side Story de Bernstein…Je me souviens aussi d’avoir été souvent traînée à des concerts de musique classique ou d’avoir vu mon père diriger les oeuvres de maîtres comme Beethoven, Shostakovich & Tchaikovsky, complètement parti dans son monde, pendant que j’étais allongée dans le salon à dessiner ou à lire des BD. Le pouvoir de la musique est devenu aussi clair pour moi que celui de la pensée. En parlant de premiers souvenirs, je ne me rappelle pas vraiment qu’il y ait eu une période avant de chanter.

Tu t’es faite remarquer grâce à plusieurs collaborations avec d’autres artistes. Est-ce que tu as le sentiment de franchir un cap en entamant une carrière solo?
En fait, j’ai commencé à écrire mes propres chansons avant la première collaboration donc je pense que j’ai un ressenti très différent de ma trajectoire. Ce n’est pas tant un bon en avant mais plutôt, à certains moments, une route longue et solitaire. Quand j’avais 19 ans, à peu près, j’ai commencé à composer pour un album « de jazz ». Quelques chansons de Life Goes On datent de cette période. Mais ensuite, il y a les aléas de la vie. J’ai eu un accident de vélo en décembre 2006 et j’ai subi une commotion cérébrale avec de graves effets à long-terme qui a tout changé. Beaucoup de maux de tête violents, des problèmes de cou, des acouphènes, des difficultés de concentration et une fatigue extrême qui m’ont rendu incapable de faire quoi que ce soit. Donc, en parallèle à mon programme de rééducation physique, les collaborations étaient pour moi la seule façon de de me réhabiliter dans la musique. Au cours des années qui ont suivi, il m’était impossible de travailler suffisamment pour composer à partir de rien. Heureusement, j’avais travaillé dur et gagné assez d’aregent pour construire un petit home studio avant l’accident et ça a été primordial. Six mois après l’accident, j’ai pu commencer tout doucement à me lever en pyjama et à travailler 15-20 minutes, puis à me reposer une demi-heure et retravailler encore un peu. Donc j’ai eu de la chance que les gens m’écrivent pour des collaborations. En fin de compte, je pense vraiment que la musique (avec les les proches, les amis et la famille) est ce qui m’a maintenu en vie et m’a incité à me battre pour revenir à la vie.
Selon ta biographie, tu as beaucoup voyagé un peu partout dans le monde. Dans quelle mesure ça a eu un impact sur ta musique?
Je crois que les voyages m’ont façonnée que ce soit au niveau de ma vie ou de ma musique. Les voyages sont l’une de mes plus grandes sources d’inspiration. A la fois en faisant l’expérience de tous les mondes dans ce monde et en regardant à l’intérieur de soi. J’adore le complet bombardement des sens qui arrive au contact d’un environnement étranger : les nouveaux sons, les impressions, les odeurs, les couleurs et les langues. J’ai rencontré des nomades, des chauffeurs de taxi, des enfants des rues, des vaudous, des nonnes, des porteurs de riz, des professeurs et des ouvriers qui m’ont tous ouvert les yeux d’une très belle façon. Pour ça, je suis profondément reconnaissante. J’ai été particulièrement influencée par ma période en Afrique du Sud et aux Etats-Unis, quand j’étais petite. Même si je suis toujours totalement fauchée quand je rentre de voyage, je ne peux pas m’empêcher de me sentir extraordinairement riche à l’intérieur.

En même temps, j’ai aussi souligné dans ma chronique le fait que ta musique véhicule une sensation de froideur. Dirais-tu qu’il y a quelque chose comme une âme scandinave dans ton travail?
Quand j’écoute des musiciens comme Arve Henriksen et Bjørk, je sens effectivement qu’il existe une humeur, un ton scandinave ou nordique. Et peut-être que ça se retrouve aussi dans ma musique. J’essaie de ne pas trop définir mon propre travail, je laisse ça aux autres. Mais il est certain que je suis influencées par ce qui m’entoure et c’est vrai que nous avons des hivers longs, froids et sombres au Danemark. Ça peut être très beau mais aussi très éprouvant. Tout comme le soleil a donné naissance à la Bossa Nova sur les plages du Brésil, je pense que la sensation de froid dont tu parles est un élément naturel dans le son de l’âme nordique.

Le titre Life Goes On fait référence à des événements qui te sont arrivés dans le passé. Dans quelle mesure la musique peut-elle être un moyen de surmonter la tristesse ou les tragédies?
Comme je l’ai dit précédemment, je crois que la musique a sauvé ma vie. Avoir quelque chose qui soit aussi important que respirer, manger et boire est vraiment une bénédiction (la plupart du temps). Même avant mon accident en 2006, la musique a toujours été mon sanctuaire. Un endroit où aller quand tout s’effondre dans le monde extérieur ou en soi.

Apparemment, Life Goes On sera le premier d’une série de 4 disques. Pourquoi ne pas avoir sorti tout de suite un album plus long? Y aura-t-il des différences majeures entre chaque disque?
J’étais toujours de me mettre dans une situation où j’ai une liberté totale d’explorer toutes les facettes de ma personnalité musicale. Je veux un terrain de jeu dénué de règles. Et bien sûr, ça me conduit dans beaucoup de directions différentes. Donc, pour répondre à ta dernière question : oui, ils seront assez différents et c’est pourquoi j’ai choisi de faire des Eps plutôt qu’un album plus long. Le premier contient mes propres compositions et a été fait avec un groupe. Le deuxième est une collaboration avec différents beatmakers du monde entier et reflète une autre facette de ma personnalité. Le troisième est composé de mes propres productions mais encore dans une autre direction. Quant au quatrième, c’est une surprise! Il n’y a pas de grande réflexion derrière cette façon de faire. C’est juste ce qui m’a semblé naturel.
In English :

What are your first music-related memories?

* My mom singing me to sleep.
* Dancing with my dad in the living room to the sounds of Bernsteins West Side Story…Also, being dragged to a lot of classical concerts & lying on the living room floor drawing or reading cartoons while my dad would conduct works of the masters such as Beethoven, Shostakovich & Tchaikovsky completely away in his own world. The power of music became clear to me like that I think. And talking first memories I don’t really recall there ever was a time « before » singing.

You’ve been noticed through several collaborations with other artists. How did that make you feel to make a leap to a solo career?
 
Well, I started writing my own songs way before the first collaboration so I think my feeling of the road is very different. Not so much a leap as long and very lonely at times.
When I was around 19 years old I started to compose for a « jazz » album. A couple of the tracks from the first EP « life goes on » were actually written in that process.
But then life happened.
I had an accident on my bike in december 2006 and got a concussion with serious long term effects that changed everything.
A lot of heavy headaches, neck problems, tinnitus, concentration difficulties and extreme fatigue made it almost impossible for me to do anything.
So alongside my real physical rehabilitation programe the collaborations were actually the only way for me to sort of rehabilitate myself back into music. It was impossible for me to work enough to compose from scratch the first couple of years. Luckily I had worked hard enough to earn money to build a small home studio before the accident and that was paramount. 6 months after the accident happened I could slowly start to get up in my pajamas and work for maybe 15-20 minutes – then rest 30 mins and then work a bit more.. So I was just lucky that people wrote me asking to collaborate.
In the end I definitely think music (together with beloved ones, friends and fam) is what kept me alive and fighting to get back to life.

Your biography says you’ve travelled a lot all around the world. To what extent does it impact on your music?
 
I think that traveling has made me- , my life and my music what it is.. Traveling is one my greatest inspirations . Both in experiencing all the worlds in this one world and in looking within.. I love the complete bombing of your senses that happens when put in a foreign environment; the new sounds, impressions, smells, colours &languages.. I have met nomads, taxi drivers, street kids, voodoo men, nuns, rice carriers, professors and factory workers that have all opened my eyes, mind and heart in some beautiful way. For this I am deeply grateful. Especially my time in West Africa and in the United states as a kid has influenced me a lot.. Even though i’m always totally broke when I return from traveling I cannot help but feel amazingly rich inside.

In the meantime, I pointed in my review that your music kind of conveys a feeling of iciness. Would you say that there is such thing as a scandinavian musical soul in your work?
When I listen to musicians like Arve Henriksen and Bjørk I definitely feel there is such a thing as a Scandinavian/Nordic tone/mood. And maybe its in my music too. I try not to define my own work, that must be up to others. But I am definitely influenced by my surroundings and we do have very long cold dark winters in Denmark. It can be very beautiful but also very challenging. Just like the sun has given birth to Bossa Nova on the beaches of Brazil I think the « feeling of iciness » you talk about is a natural element in the sound of the nordic soul.

The title Life Goes on seems to refer to past events that happened to you. To what extent can music be a way to overcome sadness or tragedies? 

Like already mentioned I think music saved my life. To have something that feels equally important to breathing, eating and drinking is truly a blessing (most of the time).
Even before my accident in 2006 music has always been my sanctuary. A place to go when things fell apart in the outside world or within.
 
I read that Life Goes On would be the first record in a series of 4.Why not to release a full-length album? Will the four records widely differ from each other? 
I always try to put myself in a place musically where I have complete freedom to explore all sides of my musical being. I want a playground with no rules .And of course this takes me in many different directions. so to answer to your last question first; Yes, they differ pretty widely and that’s why I chose to do EPs instead of a full-length album. The first one is with my own compositions and with a band. The second one is a collaboration with different beatmakers from around the world and reflects another side of me. The third contains my own productions – yet another side and the fourth one a surprise..!
There is no great thought about doing it this way. It’s just what seemed natural.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Afficher les boutons
Cachez les boutons