Le groupe que les autres écouteront dans un an – Ep.84: Four Visions

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Ce que je trouve beau dans la musique, c’est son incroyable diversité. Quelles que soient les circonstances, qui que vous soyez, à n’importe quel moment de la vie ou de la journée, il y a toujours un air, une mélodie, quelques notes délicatement posées pour venir épouser vos émotions. Une comptine pour endormir ou apaiser un enfant turbulent. Un rythme entraînant, une mélodie joyeuse pour redonner le sourire à cette jolie lycéenne dont le regard usé porte le poids de l’ennui, comme le sac de cours trop lourd sur son épaule fragile. Un slow langoureux pour rapprocher les corps de deux futurs amants qui jouiront bientôt de concert. Quelques arpèges lancinants, les sanglots longs des violons, pour accompagner les détresses d’un cœur brisé. Everybody Hurts en boucle, un soir de rupture, dans l’obscurité d’une chambre d’adolescent enfumée. We are the Champions, dans l’ivresse des victoires. The Show Must Go On, à l’heure du grand départ. I will follow you into the Dark, quand ce sont les autres qui s’en vont et qu’on reste seul sur le rivage. Tel l’œnologue averti qui va chercher dans sa cave la bouteille qui saura révéler tous les arômes d’un plat, le mélomane est celui qui sait le mieux accorder les vibrations de la musique aux vibrations de son âme. Arrivent l’automne, les feuilles rousses, les après-midi pluvieuses au coin du feu, les corps fatigués, les gorges qu’on racle et les nez qui coulent, et je ressens le besoin de vivre en slow motion, de ralentir le tempo et de me laisser envahir par de tendres et apaisantes rêveries. Et quand, au bout de mes promenades solitaires, je découvre un disque, sorti le jour de l’automne, qui entre en résonance avec mon état latent de spleen baudelairien, je m’abandonne à l’émerveillement de cette rencontre fortuite. L’objet  s’appelle You & Me et est l’œuvre de Four Visions, projet solo d’un certain Daniel Abary.

Abary n’a que 21 ans mais un emploi du temps déjà bien chargé puisqu’il est impliqué dans trois projets différents. Outre Four Visions, il officie au sein de Sight Seeing, dans un style shoegaze et a également lancé Dorean comme exutoire à ses inspirations pop plus traditionnelles. Pour avoir écouté les trois, je pense que c’est avec Four Visions que l’ancien étudiant en art donne toute sa plénitude. You & Me est une véritable pépite de bedroom pop mélancolique, un disque qui, comme son titre l’indique, crée une véritable relation entre le musicien et son auditeur. « J’avais en tête de réaliser un disque qui s’apparenterait plus à une expérience intime avec l’auditeur. Une sorte de connexion, même si l’on ne se rencontrera jamais. », nous dit l’intéressé. Et force est de constater que le bien nommé You & Me ne manque pas sa cible. Avec beaucoup de sincérité, de simplicité et de sensibilité, Abary s’adresse à l’auditeur comme à un ami pour lui livrer une part de lui-même, de ses doutes, de ses peines, de ses joies. Ce n’est sans doute pas de la grande poésie au niveau des textes mais la musique est là pour véhiculer les émotions et elle vaut mieux que tous les grands discours. Ces derniers temps, on en a vu passer, des jeunes gens timides ou ombrageux qui réalisaient dans leur chambre des albums de bric et de broc avec plus ou moins de talent et de réussite. Si le travail d’Abary retient l’attention, c’est surtout grâce à ce sentiment de nostalgie flottante qui entoure chacune des compositions et lui donne cette consistance particulière. Il émane de Four Visions une atmosphère cotonneuse qui entraîne l’auditeur dans des rêveries brumeuses, au carrefour du jour et de la nuit. Il en ressort quelque chose de beau et de fragile, de fort et de fantomatique, comme l’ombre d’un amour déçu qui n’aurait pas renoncé à l’espoir.

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