Retour en interview sur Dhafer Youssef, ma plus belle émotion musicale de ces derniers mois.
A quel moment et dans quelles circonstances avez-vous découvert le potentiel de votre voix ?
Quel était, pendant votre enfance, votre rapport à la musique. J’ai lu quelque part que vous écoutiez du jazz en cachette ?
Aussi longtemps que je me souvienne, la musique a toujours accompagné mon enfance. Elle était présente quand je faisais partie de la troupe de chant liturgique où j’étais vocaliste, puis quand j’ai commencé à fréquenter la maison de jeunes de Teboulba où je me suis exercé au Oud avant d’intégrer la troupe de radio Monastir alors dirigée par son fondateur, le violoniste et membre de la troupe nationale Tunisienne, Monsieur Mesbah Souli.
Très vite, vous éprouvez le besoin de confronter votre univers à d’autres cultures. Vous vous installez à Vienne. Pourquoi avoir choisi cette ville ?
D’abord, pour des questions pratiques, c’était le seul pays dans lequel je pouvais me rendre sans visa. Ensuite, je voulais, à l’époque, parfaire ma formation musicale. De par son patrimoine musical et les opportunités qu’elle offrait, Vienne était la ville adéquate.
Vous vous nourrissez à chaque fois des rencontres que vous faites et, malgré tout, votre univers est toujours reconnaissable et personnel. Qu’est-ce qui vous guide ? Est-ce que c’est la spiritualité qui vous sert de moteur?
Moi qui ne suis pas croyant, j’ai vécu une “expérience mystique” en écoutant Birds Requiem. J’ai eu l’impression de ressentir une émotion pure, un bien-être parfait, aussi bien physique que spirituel. C’est d’ailleurs assez difficile à traduire en mots. Dans quelle mesure avez-vous conscience de la force mystique de votre musique ?
J’ai baigné dés mon enfance dans une ambiance de chants religieux c’est ce qui a déclenché en moi cette passion pour la musique. Aujourd’hui, des philosophes comme Al Hallaj et Abu Nawas continuent de m’inspirer dans mon travail.
Votre dernier album s’appelle Birds Requiem ? Pourquoi avoir choisi cette référence aux oiseaux ?
Le titre de l’album s’est imposé en écoutant les enregistrements. Ma voix se mêlait à la clarinette de Hüsnü Şenlendirici et j’ai eu cette image d’oiseaux qui tournoient harmonieusement en plein vol.
Ce disque est aussi marqué par le deuil. Le minimalisme qui s’en dégage, le fait que vous vous soyez tourné vers la Norvège et ses ambiances apaisantes, est-ce que Birds Requiem est avant tout une recherche de paix intérieure ?
Birds Requiem est un album personnel. Assurément, le plus personnel de tous. Je l’ai préparé à un tournant de ma vie. Il marque un retour vers les origines, les miennes mais aussi celle de ma musique.
C’est aussi une belle histoire de rencontres et d’amitiés ?
C’est album est effectivement marqué par de fabuleuses rencontres comme celle avec le clarinettiste turc, Hüsnü Şenlendirici et le joueur de Kanun, Aytaç Dogan. Ça a également été l’occasion de retrouver des compagnons de route tel que le guitariste Eivind Aarset et le trompettiste Nils Petter Molvaer.
Je suis un artiste tunisien dont l’initiation musicale a commencé en Tunisie. Et dont le travail a mûri au fil des rencontres à travers le monde. Je me considère définitivement comme citoyen du monde.