Où il est question de bière fraîche, de chair de poule, de chaînon manquant et de visionnaire surdoué…
Ils étaient l’espoir de tout un peuple. Suffisait de les voir chanter à tue-tête, les yeux embués de larmes, l’hymne national précédant chaque rencontre. Même assis sur mon canapé, une bière fraîche à la main droite, la gauche plongée dans le paquet de chips, j’en avais la chair de poule. A chaque fois, je me disais qu’ils ne tiendraient pas le coup, qu’ils finiraient par s’effondrer. J’avais raison.
La musique de Lucas Santtana est fascinante parce que, d’un côté, elle capture l’âme brésilienne, perpétuant une tradition guitare/voix initiée en 1959 par Joao Gilberto ; et, d’un autre côté, elle n’entre dans aucune des catégories habituelles de la musique brésilienne. Santtana, c’est un peu le chaînon manquant entre Joao Gilberto et Thom Yorke, entre Chico Buarque et Beck, un musicien-expérimentateur qui brouille les frontières entre musique acoustique et électronique.
Sur O Deus que devasta também cura (The God who devastates also cures, Lucas Santtana panse les plaies d’une rupture amoureuse en alternant moments calmes et envolées uptempo. En visionnaire surdoué, il ne s’appesantit pas sur le passé mais tourne son regard vers l’avenir. Les guitares classiques font place aux samplers. La douleur à la guérison. La tradition à la modernité. Nul n’étant prophète en son pays, Santtana n’est pas toujours bien compris au Brésil. Sa musique déroute ; on lui colle même parfois l’étiquette de DJ. Pourtant, c’est bien à un prodige de la pop que nous avons affaire ici. Il est grand temps que le monde entier s’en aperçoive…