Ami lecteur, nous avons un besoin urgent de réapprendre à voir. Nos yeux sont grands ouverts mais nous ne voyons pas. Regarder, c’est facile, c’est à la portée du premier venu. Mais voir, c’est autre chose. Voir la beauté dans toutes ses manifestations : au détour d’un chemin, dans un soleil qui se couche, sur le visage paisible d’une vieillarde assoupie ou sur celui d’un bébé qui vient de naître. Voir avec des yeux d’enfant, des yeux qui changent les bâtons de bois en baguettes magiques, les cartons d’emballage en châteaux-forts et les pinces à linge en fées lumineuses. Voir, c’est réinventer le monde, le rendre plus beau, plus merveilleux ou simplement plus supportable. C’est s’engouffrer dans l’intervalle de fantaisie qui s’entrouvre sur notre passage.

Duo formé de Miu, la “murmureuse” japonaise, et de Da, le pianiste originaire de la Réunion, Fantagomea délivre une pop en apesanteur, chargée de poésie, un espace précieux où les petites choses du quotidien sont transfigurées. Leur musique a le pouvoir de rendre extraordinaire ce qui, à première vue, peut paraître banal. Fantagomea possède le don de rendre inoubliables des instants éphémères. Tout est prétexte à s’émerveiller : le vol d’une luciole, l’apparition d’un arc-en-ciel, la contemplation du crépuscule. La beauté jaillit à travers des véhicules inattendus et parfois incongrus. Plus que de la musique, c’est une façon d’appréhender le monde que nous offre le duo. Cette vision artistique, ce regard neuf, c’est sans doute pendant leurs études aux Beaux-Arts de Toulouse que les deux compères les ont développés. En tout cas, impossible de rester insensible à ces murmures, ces chuchotements magiques. Il en émane la vision d’un monde qui, sans être radicalement différent, n’est déjà plus tout à fait le nôtre. C’est un ravissement. Un rêve éveillé.